©Diogène d’Arc est le site de Philippe Poigeaud, auteur européen aux Amériques

AMAZONIE !

Histoires, légendes, mythes et personnages atypiques d’Amazonie et du Brésil…

L’Amazonie, quelle histoire !

Il faut dire que l’endroit s’y prête. Cette jungle mystérieuse, vue par beaucoup d’ignorants comme un enfer vert a depuis la nuit des temps été le berceau de fables, contes et légendes variées, changeantes au fil des époques et des eaux du Grand Fleuve. Tous les personnages appartenant à la riche culture amazonienne n’ont rien à envier aux mythologies du reste du monde.

Nous avions une cabane, au milieu des animaux

Vivre dans la forêt amazonienne est une expérience unique. D’abord, les sons. La jungle est particulièrement bruyante. Singes hurleurs dont les cris rauques et assourdissants, pour se signaler entre eux, peuvent s’entendre à plusieurs kilomètres, oiseaux aux cris stridents, perroquets chamailleurs, toucans au bec sonore, crapauds ronronnant comme des locomotives, bruissement des grands arbres… claquements de dents des piranhas (non, je déconne !)

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MISSION COYOTE LYNX

Aroldville, New Hampshire, le 10 janvier 2020

Larry fixa le flic. Son copain Jim reposa la bouteille de scotch dans le rayonnage, exactement à sa place. Le policier baissa les yeux et son regard sembla s’attarder sur les chaussures de Larry.

Des Mission Coyote Lynx.

Larry avait déjà croisé le lieutenant Greg Burger dans les rues d’Aroldville. Mais c’était la première fois qu’il se trouvait nez à nez avec lui. Plus précisément, la première fois depuis le 9 janvier 1996.

Il avait alors trois ans.

Je ne suis rien d’autre qu’une histoire à succès !

 Mon frère et moi avons pris conscience du formidable ratage de nos existences, là-bas, à Albuquerque, dans Commercial Street, en face de l’ancienne gare de triage, sinistre, obsédante et aveugle. Vie très courte pour Chuck, moyennement longue, jusqu’à présent, pour moi. La question n’a jamais été de savoir comment nous en étions arrivés là. C’est finalement sans importance. Tout cela était somme toute très naturel. Nous le pensions. J’en étais absolument persuadé. Puis un jour, je suis tombé amoureux de Beth. Douce et délicate Beth, aux lèvres framboisées, aux épaules nacrées, aux yeux de braise et à la blondeur arrogante. Son rire m’obsède toujours quand son fantôme vient me voir la nuit. Ses parents avaient essayé de lui faire bouffer des poissons rouges morts, massacrés à l’eau de Javel.

Nous avions connu de brèves années de prospérité, du temps où le vieux s’en tirait avec ses putains d’assurances et moi, bien plus tard, j’ai aussi vendu des contrats analogues à tous les pigeons de l’Oregon ou presque, peut-être avec un peu plus d’ambition et d’intelligence. À mon sujet, on a employé le mot atavisme. Je l’ai lu. À plusieurs reprises.

 Mais, à mon propos et celui de ma famille, on a usé de tellement de qualificatifs idiots, d’expressions pompeuses, de mots scientifiques ou considérés comme tels, à travers des milliers de pages, dans des livres improbables, soi-disant de vulgarisation, mais écrits à la va-vite, dans des revues très sérieuses, spécialisées en criminologie, en psychologie, publiées à New York, Mexico, Tokyo et je ne sais où encore, dans des journaux à grand tirage, dans des torchons tabloïds maculés de faits-divers infernaux… et je ne compte plus les émissions du câble sans parler d’un ou deux films en préparation…

Une bien étrange histoire dans le New Hampshire…

Bien malin qui pourra un jour expliquer l’inexplicable. De toute façon, ce n’est pas le but. L’objectif est de montrer à chaque Américain, face à ses obsessions et ses frustrations qu’il y aura toujours et encore pire que lui, pire qu’elle. Et chaque citoyen pourra à nouveau se regarder dans un miroir.

Combien de familles l’armée américaine massacre-t-elle à l’autre bout du monde, jour après jour ? Clichés puérils ? Alors, allez traiter de clichés puérils toutes les victimes de toutes les guerres…

Et ces innocents abattus dans des écoles ou des supermarchés. Rappelez-vous Parkland ou El Paso… Des poncifs également ?

On a aussi dit « il ne sait plus où il en est dans mon trou, dans ce cachot… » Non, ce n’est pas du tout un mitard. C’est une taule, une prison tout ce qu’il y a de plus banale. Je suis peut-être dans un quartier de haute sécurité, mais certainement pas à l’isolement. On ne jette pas un type comme moi dans une oubliette. Un gars comme moi, voyez-vous, ça peut toujours et encore rapporter beaucoup d’argent… aux avocats, aux écrivaillons, aux chroniqueurs à la petite semaine, aux journalistes en mal de copie, aux éditeurs les moins doués, aux hyènes de la Fox…

Je ne serai jamais relégué. Je ne suis pas dans le couloir de la mort. L’un de mes avocats me l’a confirmé avant-hier soir, John Hillerman je crois, ou Jim Corner…

Je n’ai pas encore soixante piges, je vais donc passer ici, ou dans une autre prison fédérale, les dix, quinze ou vingt prochaines années. C’est, en la circonstance, une perspective raisonnable. Beaucoup me lisant aujourd’hui doivent se dire que tout cela est bien injuste et je les comprends : j’ai beaucoup de sang sur les mains. J’en ai même jusque par-dessus la tête. Et je suis toujours vivant, en pleine forme et… oui, je suis une star. Je n’ai pas eu la punition appropriée. La balle dans le dos lors de mon arrestation, le lynchage, la chaise électrique, l’injection…

Quand je ne reçois pas un avocat ou un journaliste, un producteur d’Hollywood ou de CNN, j’écris. Je lis. J’affirme même dévorer des tonnes de bouquins. J’ai accès à la bibliothèque. Cet après-midi, j’ai terminé Crime et… Châtiment ! Demain je pense m’attaquer à Shakespeare… des drames, des histoires sanglantes… comme la mienne. Comme tant d’autres, mais il faut bien le reconnaître : des histoires à succès.

Car finalement, je ne suis rien d’autre qu’une histoire à succès.

 

John Seznam alias J.K. Tsil alias Lieutenant Burger,

New Hampshire State Prison for Men,

Le 19 avril 2021