Bolsonaro sera-t-il extradé depuis les États-Unis ?

En attendant, son (ex) ministre de la Justice a été arrêté

 

Ça commence à sentir le roussi pour l’ancien président Jair Bolsonaro. Plusieurs élus américains demandent à la Maison-Blanche d’annuler son visa diplomatique et le FBI s’intéresse à ses allers venus aux États-Unis, notamment en Floride où on dit qu’il était en contact avec Donald Trump lors de la tentative de coup d’État à Brasília le dimanche 8 janvier dernier.

D’ailleurs son ancien ministre de la Justice vient d’être arrêté. De plus, le STF (Cour suprême) ordonne plusieurs enquêtes sur lui et ses fils.

À la suite de ces attaques à Brasília, M. Bolsonaro a diffusé sur les médias sociaux une vidéo qui, à l’aide de fausses informations, remettait en question la victoire de son adversaire Luiz Inácio Lula da Silva, qui a prêté serment en tant que président le 1er janvier. Vendredi en fin de journée, le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a accepté la demande du bureau du procureur général d’inclure l’ex-président dans l’enquête à la suite de ce message, que M. Bolsonaro a ensuite supprimé. La chaîne de télévision Globo a déclaré que l’enquête viserait à déterminer si M. Bolsonaro était l’un des inspirateurs des attentats du 8 janvier, au cours desquels des extrémistes armés de barres métalliques et de frondes ont saccagé le Congrès, la Cour suprême et le palais présidentiel du Brésil. Jair Bolsonaro, battu de justesse par Lula à la tête d’une coalition centre gauche/centre droit à la présidentielle d’octobre, « a effectué une incitation publique à l’exécution d’un crime » en diffusant sur les réseaux sociaux une vidéo « mettant en cause la régularité de l’élection présidentielle de 2022 », avait expliqué le parquet dans un communiqué.

Jair Bolsonaro, qui se trouve aux États-Unis, en Floride, depuis fin décembre, avait déjà été épinglé vendredi pour des dépenses somptuaires durant son mandat, comme les 20 000 euros déboursés en une fois dans un modeste restaurant du nord du Brésil ou les 10 000 euros dans une boulangerie le lendemain du mariage de son fils. Les relevés de compte de la carte de crédit présidentielle sur ses quatre années de mandat (2019-2022) ont été publiés sur un site officiel du gouvernement Lula, qui a commencé à lever un secret imposé pour 100 ans par son prédécesseur sur des milliers de documents officiels.

L’ouverture d’une enquête visant Jair Bolsonaro suit une autre révélation déjà liée au « remake » de l’assaut du Capitole américain du 6 janvier 2021. Elle met en cause l’ex-ministre de la Justice, Anderson Torres, chez qui a été retrouvé un projet de décret qui aurait pu permettre l’annulation de l’élection de Lula à la présidence. Le document très compromettant de trois pages prévoyait que le gouvernement fédéral prît le contrôle du Tribunal supérieur électoral (TSE), qui veille à la bonne marche du scrutin, « pour assurer la préservation et le rétablissement de la transparence, et approuver la régularité du processus électoral de la présidentielle de 2022 ».

Anderson Torres

L’ancien ministre de la Justice et ancien secrétaire à la sécurité publique du district fédéral (DF) Anderson Torres est arrivé au Brésil samedi matin (14), après un voyage aux États-Unis, et a été arrêté par la police fédérale. Lula lui avait donné une dizaine de jours pour revenir au Brésil avant d’activer officiellement une procédure d’extradition. Le mandat de détention préventive contre Torres a été décrété par le juge Alexandre de Moraes, de la Cour suprême fédérale (STF).

 

Dans un communiqué, il a indiqué que M. Torres « a été arrêté à son atterrissage à l’aéroport de Brasília et envoyé en détention, où il restera à la disposition de la Justice ». « Les enquêtes restent confidentielles », a-t-il ajouté. Selon les journalistes, l’arrestation a été rapide, silencieuse et discrète.

L’ancien ministre de la Justice fera l’objet d’une enquête en raison des attentats perpétrés contre le siège du Congrès, le STF et le palais du Planalto le 8 janvier, car il était secrétaire à la sécurité du district fédéral — poste dont il a été démis le même jour — responsable de la sécurité de l’Esplanade des ministères à cette date.

Torres est accusé d’avoir été complice et négligent lors des émeutes et des assauts.

La prise d’assaut des trois principaux symboles de la république brésilienne (la Cour suprême, le congrès national et le palais présidentiel) est un événement susceptible de façonner l’histoire du pays. « Si le Brésil a connu des coups d’État militaires et des troubles sociaux depuis son indépendance en 1822, jamais auparavant les Brésiliens n’avaient été témoins d’un tel mépris des institutions politiques », explique Guilherme Casarões, professeur de sciences politiques. Le bolsonarisme est un mouvement profondément antidémocratique qui combine des éléments de l’extrême droite américaine, notamment le trumpisme, et la longue histoire d’inégalité sociale et de militarisme du Brésil dans un tout nouveau langage numérique. WhatsApp et les médias sociaux ont été essentiels pour attirer des partisans de plus en plus méfiants à l’égard du système politique au cours de la décennie précédente.

Le 7 septembre 2021, jour de l’indépendance du Brésil, Bolsonaro prévoyait de convoquer ses partisans pour semer le trouble dans les rues du pays. L’idée était de justifier une prise de pouvoir militaire par le biais de l’état d’urgence. Cependant, les hauts gradés des forces armées n’ont pas apporté leur soutien.

Cela ne signifie pas que les militaires sont innocents lorsqu’il s’agit de saper la démocratie brésilienne, fait remarquer Guilherme Casarões. Au contraire, ils ont systématiquement ignoré leur rôle constitutionnel en s’engageant dans des politiques partisanes et en occupant des postes civils dans l’administration fédérale tout au long du mandat de Bolsonaro. Anticipant sa défaite, le président sortant a passé des mois à semer la suspicion sur les machines à voter et à remettre en cause l’intégrité du processus électoral. La défaite de Bolsonaro par une faible marge après un second tour de scrutin très disputé a suffi pour qu’il refuse de la concéder. Un grand nombre de ses 58 millions d’électeurs lui ont emboîté le pas.

Le silence de Bolsonaro pendant les deux mois qui ont séparé les élections de l’investiture de Lula semble avoir eu pour but de rallier ses partisans, qui ont bloqué des routes, menacé des opposants politiques et construit des camps devant des casernes de l’armée, tout en appelant à une intervention militaire.

Quelques jours avant la cérémonie d’intronisation du président élu (Lula), le président encore en exercice (Bolsonaro) a fui le pays, s’envolant pour la Floride, laissant entendre que sa vie était en danger au Brésil. Ses partisans semblent avoir interprété cela comme un appel à l’action.

La réponse de Lula a été rapide. Il a publié un décret établissant une intervention militaire fédérale à Brasília pour mettre fin au chaos, qui a jusqu’à présent permis l’arrestation de plus de 1 500 émeutiers. Le président a ordonné une intervention fédérale dans la sécurité publique à Brasília. Le numéro deux du ministère de la Justice, Ricardo Cappelli, a été chargé de superviser la sécurité de l’État.

Le nouveau ministre de la Justice, Flávio Dino (ancien gouverneur du Maranhão), a déclaré lors d’une conférence de presse que l’émeute impliquait des « actes de terreur ». Il a précisé que le ministère prendrait les mesures nécessaires pour assurer le maintien de l’ordre dans la capitale et que M. Cappelli recevrait toute l’aide nécessaire pour y parvenir.

Le président de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, a suspendu le gouverneur de Brasília pour 90 jours pour « faute grave » pendant la crise. Moraes est chargé de diriger l’enquête sur les actes antidémocratiques. Il a également ordonné le démantèlement des camps et barrages routiers pro-Bolsonaro dans les 24 heures. Moraes a fait valoir que : « Chaque personne identifiée lors des émeutes sera tenue pour responsable des actes qui menacent la démocratie, l’État de droit et les institutions, y compris la connivence délibérée, par action ou par omission ».

Bolsonaro et ses partisans (très comparables dans leurs comportements aux gilets jaunes français) conservent encore un certain pouvoir de nuisance et sont toujours une menace pour la démocratie brésilienne.

Utilisation frauduleuse de la carte bancaire présidentielle ?

Le député fédéral Elias Vaz (PSB-GO) a alerté la Cour des comptes de l’Union (TCU) vendredi dernier (13), demandant d’enquêter sur les dépenses de la carte bancaire (fédérale) de l’ ancien président Jair Bolsonaro (PL) entre le 18 décembre 2020 et le 5 janvier 2021.

Selon le parlementaire, il y a des incohérences dans les dépenses constatées. Entre le 18 et le 30 décembre 2020 et le 2 janvier 2021, à Rio de Janeiro (RJ), la CB officielle de la Présidence de la République a payé 34 250,00 R$ en hôtels.

 

Mais pendant cette période, Bolsonaro et son équipe étaient en route pour Florianopolis (SC), où il a séjourné entre le 18 décembre et le 2 janvier, date à laquelle il est arrivé à Guarujá, sur la côte de São Paulo. Le parlementaire souhaite que l’UCT enquête sur les dépenses effectuées à Rio de Janeiro, période où l’ancien président n’était pas dans l’État.

Dans son rapport, Elias Vaz dénonce le fait que les vacances de l’ancien président à Santa Catarina et Guarujá, entre le 18 décembre 2020 et le 5 janvier 2021, ont coûté aux caisses publiques 2 452 586,11 R$. À cette époque, le Brésil connaissait le pic de contamination par le coronavirus et attendait (souvent en vain) les vaccins.

Mise à jour le 15 janvier 2023