La France équinoxiale: une colonisation avortée
En fait la France équinoxiale est restée à l’état de projet, sauf pour la Guyane. Le mot « équinoxiale » signifie l’endroit où la durée du jour est égale à celle de la nuit, toute l’année sous l’Équateur. L’histoire de la France équinoxiale commence en 1612, quand une expédition française part de Cancale, en Bretagne, sous le commandement de Daniel de La Touche (1), seigneur de la Ravardière et de l’amiral François de Razilly. Avec cinq cents colons à son bord, elle aborde sur la côte nord de ce qui est aujourd’hui l’État du Maranhão, au Brésil.
L’historienne Andréa Daher, (docteure en Histoire, chercheuse auprès du Conseil national de recherches scientifiques) explique : En 1947, l’anthropologue Pierre Verger attestait la présence de saint Louis dans une « Maison des Nagos » du Maranhão où était pratiqué le culte des orixas (2). La survivance de la mémoire de Saint Louis, dont le culte s’est répandu en France au XVIIe siècle, ne prend tout son sens que si l’on rappelle l’histoire de la colonie française fondée en 1612, la France Équinoxiale, autour de la ville de Saint-Louis du Maragnan. « J’en fus le témoin le 25 août, jour de saint Louis, roi de France, lorsque cet auguste souverain revint sur terre, 652 ans après sa mort, pour se réincarner dans le corps d’une fille-de-saint de la maison ».
Le village de Saint-Louis a donc été créé en l’honneur du roi Louis XIII. Aujourd’hui, São Luís, capitale de l’État du Maranhão (Nordeste). Elle restera la seule capitale à ne pas avoir été créée par les Portugais. Pour le reste se fut un échec dans les grandes largeurs. D’abord les Français ne réussirent guère à s’acclimater, mais en plus ils furent chassés dès 1615, à peine trois ans après la construction de la première église…
L’éphémère colonie s’était implantée avec le soutien de la reine régente Marie de Médicis qui avait nommé de La Ravardière et de Razilly lieutenants du Roi de France en l’île de Maragnan et envoyé des missionnaires Capucins pour évangéliser les tribus tupinambas.
São Luís aujourd’hui. Ce fut une des plus belles ville du Brésil. Malheureusement, la corruption et le pillage entretenus par la famille Sarney (José Sarney fut président de la République, voir sa fiche Wikipédia en français ICI) aeu raison des ses bâtiments historiques. Le centre historique de São Luís a pourtant été inscrit au patrimoine mondial de l’Humanité en 1997.
Kourou et la Guyane
On ne cessa d’essayer de relancer la présence française de part et d’autre de l’Équateur. Une première compagnie de la France équinoxiale, ou de la Terre-Ferme d’Amérique, a été fondée à Paris à la fin de l’année 1651 et obtenu du roi des lettres patentes qui révoquaient celles qu’avaient obtenues la compagnie de Rouen. Celle-ci, voyant son privilège en passe de disparaître, avait envoyé en février 1652 une compagnie d’une soixante d’hommes à Cayenne pour fonder un nouvel établissement sous la direction de Huet de Navarre.
Le nom de « France équinoxiale » a aussi été donné en 1763 à la colonie de Kourou, en Guyane, fondée à la demande de Choiseul, par le chevalier Turgot.
Pour peupler la colonie de Kourou, Choiseul songe d’abord aux Acadiens puis décide de faire appel à des populations de Rhénanie : les futurs colons sont Prussiens, Autrichiens, Suisses et surtout Alsaciens… Les premiers émigrants volontaires acheminés de Strasbourg à Rochefort, sont 9.000 à l’été 1763, auxquels se joignent 5.000 candidats venus de l’ensemble du royaume. Ils sont attirés par les conditions de « recrutement » : voyage effectué aux frais du roi, distribution de terres et d’outils à l’arrivée à Kourou, nourriture et logement fournis pendant deux ans, prime de 50 livres par famille. En ajoutant les Acadiens et les émigrants partant du Havre et de Marseille, on atteint le chiffre de 17.000 personnes souhaitant tenter l’aventure guyanaise (3).
En fait, le projet de la France équinoxiale aura été la dernière tentative française de s’installer au Brésil déjà très convoité. « L’indéniable cordialité des rapports franco-tupis, depuis le XVIe siècle, la familiarité des Français avec le littoral nord et le caractère ouvertement missionnaire de l’affaire n’ont pourtant pas suffi à assurer longue vie à la France Équinoxiale », remarque Andréa Daher.
C’est en 1604 que la Couronne prend officiellement possession de la Guyane. Pourtant la colonie n’intéresse guère la métropole. Nul ne sait d’ailleurs qui l’a découverte. Peut-être est-ce Christophe Colomb lors de son troisième voyage en 1498, ou peut-être Juan de Ojeda, ou encore Vicente Pinzón… Considérée depuis lors comme négligeable, il faut attendre 1744, et la curiosité de l’académicien La Condamine, pour attirer l’attention sur cette « France équinoxiale » (4).
La Guyane n’a toutefois pas toujours été française et a bien failli être hollandaise comme l’ancienne colonie du Surinam (ou Suriname). En 1654, après la perte de Recife et du Brésil hollandais, les Néerlandais occupèrent en effet Cayenne. C’est à la faveur d’une guerre entre les Anglais et les Hollandais que la Guyane reviendra à la France avec la prise du fort de Cépérou à Cayenne en 1667 par les Britanniques.
(1) Dans l’actuelle ville de São Luís, la toponymie rappelle souvent la présence française comme le musée de La Touche (rue Dialma Dutra) ou l’institut éponyme (avenue Castelo Branco). La rue Saint-Louis se trouve dans le quartier populaire Coreia. Il y a aussi une place du Panthéon. L’avenue Daniel de Latouche quant à elle est un grand axe qui traverse la capitale du sud-ouest au nord-est.
(2) Les orishas, ou orixás, sont des divinités afro-américaines. Dans les pays d’Amérique latine,il y a eu un rapprochement entre les orixás et les personnages vénérés dans la religion catholique (Marie ou différents saints).
(3) Isabelle Bernier, historienne. Sa thèse a été publiée en 2008 par le CNRS et l’université de Toulouse Le Mirail (Négoce et industrie à Mulhouse au XVIIIe siècle).
(4) Marion F. Godfroy dans le mensuel L’Histoire N°293, décembre 2004.