Le gouvernement Bolsonaro a supprimé le suivi sanitaire des Yanomami après un record de malnutrition infantile

Les chiffres obtenus par SUMAÚMA montrent que la réduction de la surveillance sanitaire a commencé dès la deuxième année de l’administration d’extrême droite, après que les fonctionnaires ont appris que la moitié des jeunes enfants yanomami présentaient une insuffisance pondérale. Le recul de l’État contribue à expliquer la mort d’au moins 570 enfants en quatre ans.

Le gouvernement de Jair Bolsonaro a réduit la surveillance sanitaire des enfants Yanomami alors que la moitié d’entre eux souffraient de malnutrition, selon des données obtenues par SUMAÚMA. Cette réduction a laissé des enfants déjà fragiles sans accès régulier aux médecins. Pendant les quatre années de pouvoir de Bolsonaro, au moins 570 enfants Yanomami sont morts de causes qui auraient pu être évitées avec des soins de santé appropriés (une augmentation de 29% par rapport à l’administration précédente). Les enfants mal nourris sont neuf fois plus susceptibles de mourir de maladies telles que la pneumonie et la diarrhée.

Les données montrent qu’en 2019, première année de l’administration Bolsonaro, au moins 2 875 nourrissons yanomami âgés de cinq ans ou moins (49 % du total) avaient un poids inférieur au poids attendu pour leur âge – et parmi eux, 1601 présentaient une insuffisance pondérale extrême. Cette année-là, 90 % des enfants du territoire ont fait l’objet d’un suivi sanitaire, et les données de malnutrition étaient les plus élevées détectées depuis 2015, date à laquelle le système actuel de collecte de données a débuté. Face à un tel niveau de malnutrition, la ligne de conduite évidente aurait été d’investir dans les soins et la nourriture et la prévention. Le gouvernement de Bolsonaro a fait exactement le contraire. L’année suivante, le nombre d’enfants yanomami dont la santé a été suivie a commencé à diminuer, inversant la tendance des années précédentes. En 2022, dernière année du mandat de Bolsonaro, la proportion d’enfants en bas âge dont la santé a été suivie est tombée à 75 %. En conséquence, le taux de malnutrition (du moins selon les statistiques) a également baissé, 38 % des 5 861 nourrissons yanomami étant classés en insuffisance pondérale. C’est ce que l’on appelle un “black-out statistique”. C’est donc sur la base de ces chiffres dramatiques que Bolsonaro et les ministres concernés (dont évangéliste controversée Damares Regina Alves) pourraient-être poursuivis pour crimes.

Entre la première et la dernière année du gouvernement de Bolsonaro, le nombre d’enfants régulièrement suivis a chuté. Toutefois des ONG ont souligné qu’en 2022, 2205 des 5861 nourrissons yanomami présentaient une insuffisance pondérale, 1 239 d’entre eux ayant un poids nettement inférieur à leur poids normal. Cependant, en raison du manque de surveillance, le gouvernement a ignoré l’état nutritionnel de 1 494 enfants. C’est au cours de la surveillance sanitaire que les enfants sont pesés, mesurés et que leur état médical général est évalué. Elle permet d’identifier la malnutrition dès le début, afin que les professionnels de la santé puissent prendre des mesures immédiates pour inverser la situation. Sans cela, les enfants peuvent souffrir de malnutrition sévère et doivent être transportés d’urgence, par avion, du territoire Yanomami à Boa Vista, la capitale de Roraima, où se trouve un hôpital. À la fin de l’année dernière (2022), les évacuations d’urgence dans une partie de la zone Yanomami ont été suspendues pendant deux semaines lorsque l’hélicoptère, seul moyen d’atteindre certaines zones, est tombé en panne ! Les ONG font état d’au moins huit décès au cours de cette période de dix jours, ce qui montre à quel point la dépendance aux transferts d’urgence s’est accrue dans la région, en raison de l’instabilité des structures de santé.

L’exploitation minière est l’un des principaux facteurs de la crise sanitaire. Sous le gouvernement de Bolsonaro (partisan de l’activité illégale sur les terres indigènes) l’invasion de chercheurs d’or criminels s’est accrue, déclenchant une explosion du paludisme. L’invasion des mineurs n’a pas été entravée par l’État et a rendu le travail des équipes sanitaires plus difficile. Des données publiées en septembre par SUMAÚMA ont montré que les centres médicaux qui fournissent des soins aux indigènes sur le territoire ont fermé 13 fois depuis 2021, en raison de conflits causés par des criminels.

Le centre de santé de la région d’Homoxi était l’un de ces établissements. Pris d’assaut par des garimpeiros [orpailleurs illégaux] en juillet 2021, il a été transformé en dépôt de carburant, et son équipe de santé a été contrainte de fuir.

Le centre est resté dans cet état pendant plus de neuf mois, sans que le gouvernement ne tente de déloger les criminels et de reprendre le contrôle du bâtiment, qui, pourtant, appartient à l’État brésilien. Au début de l’année dernière, une opération visant à empêcher l’exploitation minière illégale a été menée, mais peu après le départ des agents gouvernementaux, les criminels sont revenus et ont incendié le centre. La raison pour laquelle aucun enfant du centre de santé n’est répertorié comme souffrant de malnutrition dans les données gouvernementales pour 2022 est qu’aucun n’était suivi par des professionnels de la santé ! Avant l’invasion des orpailleurs, 41 des 47 enfants de la communauté étaient suivis et 82,9 % d’entre eux souffraient de malnutrition. Le centre de santé reste fermé, dix-huit mois après avoir été repris par des criminels…

Des appels au secours ignorés par l’administration Bolsonaro

Il existe d’autres régions où l’exploitation minière a provoqué une tragédie sanitaire. À Paapiu, l’une des zones les plus touchées par l’activité criminelle, 82,6 % des enfants de cinq ans ou moins qui sont suivis souffrent de malnutrition, mais seuls 23 des 45 enfants de la zone sont suivis en 2022. À Aratha-U, une autre zone envahie, 77,9 % des enfants du même groupe d’âge souffrent d’insuffisance pondérale, mais 43 d’entre eux ne sont pas inclus dans les statistiques. À Surucucu, 68,8 % des enfants souffrent de malnutrition, mais 239 des 566 enfants n’ont pas été suivis en 2022.

C’est à Surucucu que le nouveau gouvernement brésilien a installé, en début de semaine dernière, une équipe spéciale chargée de fournir des soins urgents dans une situation d’effondrement sanitaire, suite à un appel à l’aide du président du Conseil du district pour la santé indigène des Yanomami, Hekurari Yanomami. Il a déclaré avoir demandé officiellement de l’aide au gouvernement Bolsonaro à plusieurs reprises, mais n’avoir jamais reçu de réponse. Une autre source ayant travaillé à la Fondation nationale des peuples indigènes (Funai), sous l’administration Bolsonaro, qui a demandé à ne pas être identifiée pour des raisons de sécurité, a déclaré que l’agence avait fait plusieurs demandes d’aide pour les Yanomami, qui ont toutes été refusées. Un rapport publié en août 2022 par The Intercept a également révélé que Hutukara, la principale association de Yanomami, a envoyé 21 lettres aux organismes publics en deux ans, demandant de l’aide en raison de la violence causée par les mineurs illégaux sur leur territoire. Ces lettres ont été ignorées.

Non seulement la malnutrition a fait des ravages, mais aussi le mercure utilisé par les orpailleurs…

Vendredi dernier, SUMAÚMA a révélé qu’au cours des quatre années de la présidence de Bolsonaro, 570 enfants de moins de cinq ans sont morts de ce que l’on appelle des “causes évitables”. Certains sont morts de la malnutrition elle-même, d’autres de maladies aggravées par l’insuffisance pondérale, comme la pneumonie, le paludisme et la diarrhée. Les données et les photos du rapport, montrant des enfants et des personnes âgées n’ayant que la peau et les os, ont choqué le monde entier. Le président Luiz Inácio Lula da Silva s’est rendu le lendemain à Roraima, où se trouve une partie du territoire des Yanomami. Le gouvernement a annoncé une série de mesures de soins d’urgence pour la population, notamment une salle de crise, un hôpital de campagne et la déclaration d’une urgence de santé publique. Il s’agit de mesures adoptées en cas d’épidémie.

Pour l’instant, la justice brésilienne étudie plusieurs options quant à la qualification des chefs d’inculpation en cas de poursuites officielles contre Bolsonaro et son administration. On parle de crimes contre l’humanité, voire pour certains de génocides. D’ores et déjà, Jair Bolsonaro qui est actuellement en Floride, a demandé l’asile à plusieurs pays dont l’Italie qui le lui a refusé. Le FBI commence à s’intéresser à lui et ses fils. Plusieurs sénateurs américains ont demandé que son visa diplomatique soit révoqué. Mais, de toute façon, normalement, il expire ce lundi 30 janvier…

Des mineurs ont violé des enfants et des femmes Yanomami avec la complicité du gouvernement Bolsonaro.