Il y a un siècle : Marie Curie accueillie en star au Brésil

« Elle était de petite taille. Elle portait une robe noire et une jupe qui traînait. Elle portait toujours les mêmes vêtements, ses cheveux étaient mal peignés, ses mains rouges étaient malmenées et j’ai vu ses bottes à talons bas dont seul le bouton supérieur était boutonné ». Ces mots ont été écrits par un médecin dans ses mémoires. Il parlait de Marie Curie alors en visite au Brésil. En 1926.

Deux fois nobélisée (Médecine et chimie), la scientifique de 59 ans, à l’aura internationale, donnait une série de conférences à Rio et à São Paulo. À l’une d’elles, le 18 août 1926, Guimarães Rosa, Juscelino Kubitschek et Pedro Nava, âgés de 18 à 24 ans, assistèrent à une conférence sur la radioactivité et ses applications dans le traitement du cancer dans l’auditorium de la faculté de médecine de l’université fédérale de Minas Gerais (UFMG) à Belo Horizonte. Rosa deviendra un médecin réputé et un diplomate de renom ; Juscelino Kubitschek lança la création de Brasília alors qu’il était président de la République du Brésil et Pedro Nava deviendra un grand physicien et écrivain. Ils garderont de cette conférence un souvenir… atomique : « Avec ses paroles, notre amphithéâtre s’est alors illuminé, comme si des rayons d’uranium, des étincelles radioactives et des étincelles ferromagnétiques traversaient ses murs », écrira cinquante ans plus tard l’un d’entre eux.

La visite de Marie Skłodowska-Curie au Brésil a duré 44 jours : du 15 juillet au 28 août 1926. Elle arrive à Rio de Janeiro, la capitale du pays, en provenance de Marseille. Elle est venue à bord du Pincio, un luxueux navire à vapeur, en compagnie de sa fille aînée, Irène, qui faisait office de secrétaire particulière. À l’époque, Marie Curie était déjà veuve du physicien Pierre Curie. Son mari avait été renversé par une voiture le 19 avril 1906 alors qu’il traversait une rue très fréquentée de Paris (rue Dauphine).

La mère et la fille ont été accueillies au Brésil par une commission composée, entre autres, des docteurs Juliano Moreira, l’un des pionniers de la psychiatrie au Brésil, et Roquette Pinto, l’un des pères de la radiodiffusion. Lors de sa visite, Marie Curie était accompagnée de Bertha Lutz, alors présidente de la Fédération brésilienne pour le progrès des femmes et l’une des plus grandes militantes de la lutte pour les droits politiques des femmes brésiliennes.

« Madame Curie est arrivée au Brésil comme une star. Il y avait toujours une voiture de luxe réservée pour elle et sa fille. Elle était traitée comme un être divin », raconte João Pedro Braga, postdoctorant en chimie à l’université de Princeton et coauteur, avec Cássius Klay Nascimento, de A Visita de Marie Curie ao Brasil (2017).

Une femme très simple et… mal fagotée

« Dans les endroits qu’elle visitait, les gens portaient les vêtements les plus élégants de la dernière mode parisienne. Marie Curie, en revanche, portait, comme l’a fait remarquer Pedro Nava, des vêtements très simples, elle était toujours « mal fagotée » écriront plusieurs journalistes.

Fatiguées par les deux semaines de voyage en bateau, Marie et Irène se rendent directement à l’hôtel dos Estrangeiros, à Flamengo. Tandis que Marie s’allonge pour se reposer (la scientifique ressent déjà les effets néfastes d’une exposition prolongée aux radiations) Irène enfile un maillot de bain et fait trempette dans la mer. Le 17 juillet, Marie Curie écrit une lettre à Ève, la plus jeune de ses enfants restée à Paris. Elle y fait notamment l’éloge de sa chambre d’hôtel, qu’elle qualifie de très belle, mais elle se plaint du bruit des tramways.

Malgré son aversion pour la presse depuis que les journaux français ont révélé sa liaison avec un homme marié, Paul Langevin, la scientifique a accordé quelques interviews.

La première des douze conférences a eu lieu le 20 juillet, dans la salle principale de l’école polytechnique, et a été diffusée par Rádio Sociedade do Rio de Janeiro, la première station de radio du Brésil, inaugurée trois ans plus tôt.

Faute de place, de nombreux étudiants n’ont pas pu assister à la présentation. Les conférences suivantes ont été déplacées au rez-de-chaussée de l’institution.

Entre les conférences, Marie Curie a visité les attractions touristiques de la ville, telles que le Pain de Sucre, le Corcovado et le Jardin Botanique, ainsi que les municipalités voisines telles que Petrópolis, Vassouras et Barra do Piraí.

De Rio, Marie Curie se rend à São Paulo. Elle y reste trois jours : les 13, 14 et 15 août.

Installée à l’hôtel Terminus, à l’angle des rues Brigadeiro Tobias et Washington Luís, elle a donné sa conférence dans l’un des amphithéâtres de l’école de médecine.