Le colonel salvadorien Mario Adalberto Reyes Mena échappe depuis deux ans à la justice salvadorienne et il suffit de faire une recherche sur Internet pour savoir où le trouver : à Centerville, en Virginie, une ville de la côte est des États-Unis. Pourtant, ce militaire à la retraite, accusé du meurtre de quatre journalistes néerlandais pendant la guerre civile au Salvador (1980-1992), a réussi à échapper aux autorités jusqu’à aujourd’hui. Un groupe d’organisations de défense des droits de l’homme vient de déposer une plainte civile contre lui auprès de la Eastern District Court de cet État.
Reyes Mena est recherché par un tribunal salvadorien depuis le 12 octobre 2022 et est recherché par Interpol depuis au moins avril 2023 après avoir été accusé d’être le principal responsable du massacre des journalistes Koos Koster, Jan Kuiper, Joop Willemse et Hans ter Laag, de la chaîne de télévision IKON, qui ont été assassinés par les militaires le 17 mars 1982. Selon l’acte d’accusation, les événements se sont produits alors que les journalistes documentaient les violations des droits de l’homme commises par les forces armées salvadoriennes pendant le conflit armé. L’affaire est restée impunie pendant plus de 40 ans.
La récente plainte a été déposée à titre personnel par Gert Kuiper, frère de Jan, l’un des journalistes massacrés. Selon la plainte, outre les journalistes, quatre guérilleros servant de guides ont été tués dans l’embuscade, dont un garçon de 12 ans.
En 1982, au moment des faits, Reyes Mena était commandant de la quatrième brigade d’infanterie, où l’embuscade a été planifiée et d’où est issu le bataillon qui a commis le massacre. Quatre autres militaires sont également accusés. Il s’agit du général José Guillermo García, ancien ministre de la défense, du colonel Francisco Antonio Morán, ancien directeur de la police du trésor, du sergent Mario Canizales Espinoza (qui dirigeait la patrouille qui a tendu l’embuscade) et du général Rafael Flores Lima, ancien chef d’état-major du Salvador. Les deux premiers sont en prison depuis 2022 dans un hôpital de la capitale salvadorienne, en raison de problèmes de santé, et les deux derniers sont déjà décédés.
Après la fin de la guerre en janvier 1992, le cas du meurtre des journalistes néerlandais a été documenté par la Commission de la vérité des Nations Unies dans le rapport From Madness to Hope, publié en 1993. Le rapport fait état d’au moins 160 autres massacres commis pendant la guerre civile salvadorienne, la plupart aux mains de l’armée. Le document désigne Reyes Mena comme l’un des principaux responsables de la mort des journalistes.
À la suite de la publication du rapport de l’ONU, le Parlement salvadorien a adopté une loi d’amnistie générale qui protégeait les auteurs et les empêchait de faire l’objet d’une enquête. Cependant, cette loi a été abolie par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice en 2016.