De 1985 à aujourd’hui, la justice argentine a prononcé 318 condamnations dans des procès pour crimes contre l’humanité perpétrés pendant la dernière dictature (1976-1983).
Au total, 1 126 personnes, pour la plupart d’anciens membres des forces de sécurité, ont été condamnées pour des crimes tels que des enlèvements, des tortures, des vols de bébés et des disparitions, entre autres. La tâche titanesque entreprise pour traduire en justice les responsables du terrorisme d’État n’est pas encore achevée et 16 autres procès sont toujours en cours. Désormais, les audiences peuvent être suivies en direct sur le site des procès contre l’humanité créé par le Secrétariat aux Droits de l’homme (depuis 2023, avant l’élection de Mileis)). Vous pouvez également suivre la biographie de chaque condamné, lire les témoignages des survivants et voir sur une frise chronologique les avancées et les reculs de la quête de justice au cours de quatre décennies de démocratie.
Une des manière de se débarrasser des opposants était de les larguer depuis un avion, vivants, dans l’Atlantique. En décembre 1978, de forts vents du sud-est ont ramené une douzaine de cadavres de la mer sur différentes plages d’Argentine. Ils étaient nus et présentaient des signes de mort violente. Mais aucun de ces cas n’a donné lieu à une enquête judiciaire. Au lieu de cela, ils ont été déplacés en secret vers des cimetières voisins et enterrés anonymement. La police, les juges et les fonctionnaires municipaux ont agi de manière coordonnée pour éviter que l’on découvre qu’ils étaient victimes des vols de la mort. Plus de 45 ans après, pour la première fois, la justice argentine met sur le banc des accusés les responsables présumés de ce réseau de dissimulation.
Un juge, un médecin, des policiers et des fonctionnaires sont accusés d’avoir caché les corps arrivés sans vie sur les plages de Buenos Aires après avoir été largués à haute altitude par des avions militaires.
« Les corps sont apparus dispersés le long d’une bande côtière d’environ 150 kilomètres », explique Daniel Iglesias, auteur d’une enquête qui a fourni les premiers indices permettant de faire la lumière sur ce qui s’est passé. Daniel Iglesias a trouvé plus de vingt dossiers de corps ramenés par la mer entre 1977 et 1978 qui avaient été enterrés sans être identifiés ».
La justice a condamné plus d’un millier de personnes, pour la plupart des militaires, pour des crimes contre l’humanité perpétrés durant cette période. Le régime militaire a ouvert des centaines de centres de détention clandestins dans tout le pays et, à Buenos Aires et dans ses environs, l’un des mécanismes les plus courants pour se débarrasser des personnes enlevées consistait donc à les mettre dans des avions et à les jeter, droguées et menottées, dans le Río de la Plata ou dans l’océan Atlantique. En raison d’une erreur de calcul des vents et des marées, une poignée de corps n’ont pas été retrouvés au fond de la mer, mais ont été rejetés sur le rivage. La justice doit maintenant déterminer la responsabilité présumée des accusés.
L’un des corps restés non identifiés pendant trois décennies est celui de Santiago Villanueva, militant des Jeunesses péronistes, enlevé le 26 juillet 1978. Son fils aîné, Guillermo, avait 12 ans à l’époque. « J’ai passé toute ma vie à le chercher et je n’ai jamais pensé que nous le retrouverions », dit-il en évoquant cette disparition qui a marqué la vie de toute sa famille.
À 57 ans, Guillermo Villanueva se prépare à témoigner devant un juge pour la troisième fois de sa vie. Il se souvient encore avec une certaine incrédulité du moment où l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale lui a annoncé qu’elle avait identifié les restes de son père, écrit le journaliste Mar Centenera dans le quotidien El País.
Nous sommes le 25 juin 1978 au stade Monumental de Buenos Aires, célèbre antre de River Plate, où se dispute la finale de la Coupe du Monde entre Argentins et Hollandais. A quelques kilomètres de là, les sous-sol de l’Ecole Supérieure de la Mécanique Marine servent de salles de torture. Pendant que la foule argentine acclame ses héros bleus ciel et blancs, des opposants du régime de Jorge Videla sont assassinés dans le plus grand secret. Depuis deux ans, le « Général » Videla mène une « guerre sale » qui consiste à torturer et tuer les personnes soupçonnées d’opposition à La Junte. Malgré les atrocités de celle-ci, la FIFA décide de maintenir la compétition mondiale en Argentine. Une aubaine pour Videla qui ne souhaite que la victoire de l’Albiceleste pour faire rayonner son régime. (Enzo Leanni, Le Corner).