La pression monte pour tenir Bolsonaro responsable de la situation dramatique à Manaus et l’idée de destitution revient, mais timidement

La tragédie annoncée à Manaus, où le manque d’oxygène dans les hôpitaux a entraîné la mort de patients par asphyxie, est un autre chapitre sombre de la pandémie au Brésil et a relancé le débat sur la possibilité de tenir les autorités responsables, en particulier Bolsonaro et son ministre de la Santé sur la gestion des crises sanitaires. Conformément à la Constitution fédérale et à la législation sanitaire, la compétence est répartie entre les entités fédérales. C’est-à-dire que la responsabilité incombe à la fois à l’État, aux municipalités et aux gouvernorats. « Mais le ministère de la Santé est à la tête du SUS (Système unique de santé) et si le gouvernement fédéral n’utilise pas ce pouvoir, il assume une responsabilité spécifique”, fait valoir l’avocate Daisy Ventura, spécialiste de la relation entre les pandémies et le droit national et international.

L’argument est repris par des organismes internationaux tel que Human Rights Watch, qui, dans son rapport annuel sur la situation des droits de l’homme (publié cette semaine), accuse Jair Bolsonaro de « saboter » les efforts pour contrôler la propagation de la Covid. L’ONG a réclamé « une inflexion radicale dans la position négationniste du gouvernement Jair Bolsonaro » et la « destitution immédiate du général Eduardo Pazuello », ministre de la Santé. Remarque : ce dernier n’a absolument aucune compétence en matière de santé ! Ni d’ailleurs son bras droit, le colonel Élcio Franco (secrétaire exécutif) qui auparavant gérait l’afflux de réfugiés vénézuéliens dans le nord du pays.

Parmi les tentatives légales de responsabiliser Jair Bolsonaro qui a toujours nié les risques et l’impact de la pandémie et est peut-être le seul président anti-vaccin au monde en ce moment, il est envisagé d’augmenter la pression pour la destitution, un instrument qui serait plus rapide, en théorie. Mais c’est compliqué, d’autant que les parlementaires ou les maires des grandes villes qui se prononcent pour cette solution sont immédiatement menacés, voire traînés devant les tribunaux. Toujours est-il que la solution du départ anticipé du président dépend surtout de la pression populaire. Mais l’on sait que Bolsonaro conserve une popularité importante, quelque part entre 35 et 40 %. De plus, des sondages (à prendre avec des pincettes) disent que 52 % des Brésiliens ne le tiennent pas pour responsable de la mauvaise gestion sanitaire !

Image de gauche, un dessin de Latuff un des plus grands caricaturistes brésiliens. À droite le ministre de la Santé.

Le journaliste Marlos Apyus a lancé une campagne informelle sur les réseaux sociaux pour réclamer la position de députés sur une éventuelle mise en accusation. Seulement 92 parlementaires se disent favorables à la destitution de Bolsonaro, bien en deçà des 342 nécessaires s’il y avait un véritable processus parlementaire.

En attendant, à Manaus, ce n’est pas une deuxième vague, c’est un tsunami qui submerge la ville et l’État de l’Amazonas. Les prochaines semaines ne sont pas rassurantes. Les spécialistes ont les yeux rivés sur le nouveau variant du coronavirus détecté justement en Amazonie, il est encore en cours d’analyse, mais des ressemblances avec les variants britannique et sud-africain font craindre une plus grande contagiosité. Par précaution, le Royaume-Uni a déjà fermé son territoire à toute l’Amérique du Sud.

Plus aucun lit d’hôpital n’est disponible dans la capitale de 2,2 millions d’habitants de l’État du nord du Brésil, qui enregistre désormais plus de 6500 morts. Les cimetières de la ville sont à nouveau débordés et affichent complet ! On installe des systèmes provisoires verticaux, à tiroirs…

Hier soir, dimanche, on dénombrait 144 décès !