La ministre de l’Environnement demande à l’ex-président de rendre des comptes alors qu’elle s’apprête à s’attaquer aux mineurs d’or illégaux.
L’ancien président Jair Bolsonaro devrait faire l’objet d’une enquête pour génocide, a déclaré la ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, alors qu’elle prépare une opération visant à chasser les orpailleurs illégaux du site d’une catastrophe humanitaire sur des terres indigènes.
Des policiers armés et des agents de protection de l’environnement lancent la première d’une série d’opérations par avion et par hélicoptère pour expulser des milliers de mineurs (orpailleurs), qui ont proliféré dans le territoire indigène yanomami du Brésil sous l’administration de Jair Bolsonaro, contaminant les rivières amazoniennes, détruisant la forêt tropicale et provoquant la pire crise sanitaire que le Brésil ait connue depuis l’indépendance.
Marina Silva a déclaré que Jair Bolsonaro devrait être tenu pour responsable : « Je pense qu’il devrait faire l’objet d’une enquête pour avoir commis un génocide.
La crise est le premier grand test de l’engagement de Lula pour la forêt et ses habitants. Après la tentative de coup d’État du 8 janvier à Brasília par une foule bolsonariste radicalisée d’extrême droite, c’est aussi l’occasion pour le nouveau gouvernement de centre gauche de démontrer son autorité et sa volonté de défendre l’Amazonie.
Maria Osmarina Silva de Souza grandit parmi onze enfants, dont trois meurent emportés par le paludisme et l’indigence, dans la cité lacustre nommée Breu Velho. Orpheline à 16 ans, elle rejoint la capitale de l’État, Rio Branco, où elle reçoit une éducation catholique (Congrégation des esclaves de Marie) et travaille comme domestique et femme de ménage. Elle est la veuve de Chico Mendes, célèbre militant syndicaliste et écologique, assassiné en 1988 par un éleveur et son fils.
Historienne et enseignante, elle a fait des études universitaires alors qu’elle ne savait ni lire et écrire quasiment jusqu’à la pré-adolescence. Durant son enfance, elle connait la faim, la contamination au mercure, au plomb, au fer, le paludisme, les hépatites…
Marina Silva a été ministre de l’Environnement sous le premier gouvernement Lula, de 2003 à 2006, et a mis en place des politiques qui ont permis de réduire de 83 % la déforestation en Amazonie. Elle a déclaré que Bolsonaro avait « annihilé » la politique environnementale, qui avait un impact sévère sur les habitants des forêts et faisait reculer les objectifs du pays en matière de conservation de la nature et de réduction des émissions de carbone.
Le nouveau gouvernement, a-t-elle déclaré, « ne se contentera pas de remettre sur les rails la nation la plus riche en biodiversité du monde, mais poursuivra des objectifs encore plus ambitieux ». Lula a promis de viser une déforestation zéro d’ici 2030, la fin de l’expansion de la frontière agricole et la protection de tous les principaux biomes du Brésil.
Il s’agit d’un changement de cap historique. Depuis l’arrivée des premiers envahisseurs européens il y a plus de 500 ans, la place du Brésil dans l’économie mondiale a été définie par l’extraction des ressources et les empiétements toujours plus profonds des mineurs et des agriculteurs sur la forêt et les terres indigènes.
Marina Silva a déclaré que ce modèle rudimentaire de développement économique n’était plus viable. « Cela n’a pas d’avenir… Nous allons être compétitifs en créant des emplois qualifiés et en utilisant la technologie ». Selon elle, une meilleure utilisation des terres avec des pratiques et des équipements avancés pourrait permettre au Brésil d’augmenter ses rendements. « Nous pouvons déjà tripler notre production sans avoir à abattre un seul arbre ». Le gouvernement prévoit d’offrir des concessions de 20, 30 ou 40 ans pour la revalorisation de terres dégradées cultivées par des indigènes.
Utopie ou réalité en devenir ? Difficile à dire tant les obstacles seront nombreux à commencer par les industries agroalimentaires et la nécessité d’exporter soja et viande vers l’Asie, notamment la Chine. De plus, les orpailleurs et agriculteurs illégaux sont toujours très puissants.