La pollution au mercure fait des ravages en Amazonie
La faute aux orpailleurs et à ceux qui les ont encouragés
Sumaúma pose la question : si des produits miniers toxiques rendaient malade un quartier riche dans n’importe quelle ville du Brésil, comment l’État et la presse réagiraient-ils ?
« La situation de la rivière est déplorable. L’eau est blanche, les poissons sont contaminés et les autochtones sont malades ». Ce sont les mots de Faustino Kaba, 74 ans, doyen du village de Katõ, lorsqu’il a reçu trois journalistes de Sumaúma.
Cette communauté de 800 habitants, l’une des plus peuplées du territoire indigène de Munduruku, dans le Pará, se trouve sur les rives de la rivière Kabitutu, un affluent du Tapajós. Entourés de mines (d’or) illégales, les indigènes voient, jour après jour, la forêt s’engloutir à toute vitesse, tandis que l’éradication de pans entiers de la forêt s’approche de leurs maisons et contamine les rivières et les ruisseaux.
Depuis le 20 janvier 2023, lorsque Sumaúma a dénoncé le fait qu’au moins 570 enfants Yanomami âgés de moins de 5 ans sont morts de causes évitables au cours des quatre années du gouvernement Bolsonaro, le monde a enfin, un peu, tourné son attention vers le génocide de ce peuple. Mais malheureusement, la situation est très grave dans plusieurs territoires autochtones envahis par des mineurs illégaux, qui nécessitent également une intervention urgente de l’État. L’un des plus graves est le territoire de Munduruku, où les mineurs ont capturé un nombre important d’indigènes. Les leaders qui défendent la forêt et leur mode de vie traditionnel sont menacés de mort.
Les impacts de cette eau polluée par le mercure et d’autres produits toxiques sont de plus en plus connus et inquiétants. Les populations indigènes sont contaminées lorsqu’elles mangent le poisson, qui constitue la base de leur alimentation. Les enfants sont les plus gravement touchés. Les problèmes leur parviennent bien avant leur naissance, dans le ventre de leur mère. Comme le montrent des études et des rapports scientifiques, comme celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le mercure traverse le placenta et provoque des lésions du système nerveux, du cœur, de la thyroïde et du système immunitaire. Chez l’adulte, les symptômes sont plus subtils, mais non moins inquiétants : manque d’attention, altération de la parole, problèmes de coordination motrice et picotements.
Les orpailleurs ont beaucoup de moyens, dont des avions et des machines leur permettant de construire des routes et des pistes
Ces nappes blanches à la surface des rivières est significative de la présence de mercure
Erik Jennings, médecin du département spécial de santé indigène (Sesai) de Santarém, a mis en garde contre la nécessité immédiate d’informer les populations indigènes lésées par l’exploitation minière afin qu’elles puissent, à tout le moins, distinguer les poissons moins contaminés des plus contaminés. « Certaines espèces sont plus touchées par le mercure que d’autres. Recevoir des informations sur les poissons à éviter dans leur alimentation est une mesure préventive extrêmement importante », a-t-il déclaré.
Les recherches sur la contamination dans la région sont encore peu nombreuses par rapport à l’ampleur de la tragédie et elles se heurtent à de sérieux obstacles politiques pour être menées à bien. Certains d’entre eux comme Erik Jennings ont reçu des menaces de mort.
Et maintenant il faut une volonté politique forte !
Dans les terres indigènes, la déforestation causée par l’exploitation minière a augmenté de 632 % entre 2010 et 2021, accumulant près de 20 000 hectares. La terre indigène Kayapó est la plus touchée, avec 11 542 hectares détruits depuis 2021, suivie par les terres indigènes Munduruku (4 743 hectares) et Yanomami (1 556 hectares). Les données proviennent de MapBiomas.
Les lois brésiliennes sur la protection de l’environnement et des populations autochtones sont saluées dans le monde entier comme étant parmi les plus modernes et les plus audacieuses. Mais elles ne s’appliquent pas toujours d’elles-mêmes : elles dépendent de la volonté politique des dirigeants. Au cours des quatre dernières années, le Brésil a été gouverné par des forces politiques qui ont soutenu, de toutes les manières possibles, la violation du système juridique de protection de la forêt, de ses rivières et de ses habitants. Si l’Administration « Lula 3 » veut vraiment protéger l’Amazonie, elle doit agir maintenant. Pas seulement avec des opérations tape-à-l’œil, mais avec intelligence, responsabilité et constance. Il ne suffit pas d’expulser les mineurs, il faut garantir qu’ils ne reviendront pas. Et il faut décontaminer les rivières, s’occuper des corps malades des adultes et des enfants, délimiter les terres indigènes et commencer à reboiser l’Amazonie.
Encore un ancien ministre de Bolsonaro menacé par la police et la justice
Ricardo Salles, ancien ministre de l’Environnement, est la principale cible de l’opération Akuanduba de la police fédérale, qui enquêtait sur des soupçons de facilitation d’exportations illégales de bois du Brésil vers les États-Unis et l’Europe.
Ricardo Salles a été secrétaire du gouverneur de São Paulo, Geraldo Alckmin (actuel vice-président de Lula) et secrétaire à l’environnement de cet État. Il a été ministre de l’Environnement du 1er janvier 2019 au 23 juin 2021, sous la présidence de Jair Bolsonaro.
Ricardo Salles (47 ans) fait l’objet de plusieurs autres enquêtes judiciaires dès 2017 pour violation des lois environnementales, notamment pour avoir illégalement modifié le tracé d’une zone protégée concernant le rio Tietê au bénéfice d’intérêts économiques privés alors qu’il était secrétaire à l’environnement de l’État de São Paulo. Il est condamné en 2018 et fait appel du jugement. Il fait également l’objet d’une autre enquête en raison de soupçons d’enrichissement illicite, sa fortune personnelle ayant plus que triplé entre 2013 et 2018. Plusieurs perquisitions ont eu lieu dans ses bureaux et à ses domiciles.