« Le pape est un fils de pute ! »
Argentine
Les ouvriers d’une usine ont voté en masse pour Milei et le patron les a convoqués pour les mettre en garde
Daniel Rosato est président de Industriales Pymes Argentinos et propriétaire d’une usine métallurgique et d’une papeterie. La semaine dernière, il a convoqué les travailleurs pour discuter de la plate-forme de La Libertad Avanza et les mettre en garde.
Javier Milei, le favori pour devenir le prochain président de l’Argentine. Il se dit libertaire radical ou encore anarcho-capitaliste. Ancien commentateur de télévision, il n’a jamais exercé de fonctions politiques. En fait, il est surtout d’extrême droite. « Mon objectif est de remettre le pays sur pied, a-t-il déclaré à The Economist il y a quelques jours, afin que l’Argentine redevienne une puissance mondiale d’ici 35 à 45 ans. Je veux une Argentine à nouveau grande ». Du Trump dans le texte.
Il se décrit volontiers comme l’homme providentiel dans un pays qui traverse une crise économique ravageuse. Le quinqua (il est né en 1970) excentrique souhaite entre autres supprimer la banque centrale argentine, remplacer le peso argentin par le dollar américain, supprimer les aides sociales et libéraliser la vente d’armes. Il projette aussi de supprimer le droit à l’avortement… élégant, il qualifie régulièrement le pape François de « fils de pute » et de « connard », affirmant qu’il « prêche le communisme dans le monde entier ». En réponse, le 6 septembre dernier, des dizaines de prêtres ont organisé dans un bidonville de Buenos Aires une messe de soutien au pape. Élégant et poétique : Milei a été surnommé el Peluca (« La perruque ») en raison de sa coiffure excentrique. Il a répété à plusieurs reprises qu’il ne se peignait pas les cheveux. En ce qui concerne sa vie amoureuse, il a suggéré dans une interview à La Nación qu’il était un champion de l’amour libre et, dans une émission de télévision locale, il a déclaré qu’il avait participé à plusieurs trios et qu’il était un instructeur de néotantra, étant selon ses dires « capable de rester trois mois sans éjaculer ». Tout en finesse.
Sources : Página12, The Economist
Daniel Rosato, le chef d’entreprise qui met en garde ses ouvriers (ils ont voté à plus de 50 % pour le populiste) contre Milei explique : « La grande majorité de ceux qui ont voté pour Milei ne sait pas ce qu’il propose. Le mot liberté a bien marché, ils n’arrêtaient pas de me répéter le mot liberté, surtout les jeunes. Mais je leur ai dit que la liberté qu’offre Milei est une condamnation à la misère, à mourir de faim ». Il dit à Página12 : « Je leur ai expliqué la proposition de Milei, à savoir que la libéralisation du commerce dont il parle entraînera la fermeture de nombreuses industries ». Et il poursuit : « Je leur ai dit : Je ne suis pas là pour vous forcer à voter pour le gouvernement, je suis là pour m’occuper de vous et de nous. Je veux que mes enfants puissent continuer à travailler à l’usine ».
Mais Daniel Rosato admet que les électeurs de Milei sont surtout des victimes de la crise économique actuelle. L’Argentine est en très grande difficulté. À la mauvaise humeur due au manque de devises s’ajoute une baisse des ventes au cours des deux derniers mois. « La baisse de la demande de produits de grande consommation que nous avons enregistrée est de 4 ou 5 %, mais elle est très forte pour les produits non essentiels. Nous sommes entre 30 et 40 points de moins que l’année dernière », explique-t-il. L’inflation, en Argentine dépasse actuellement les 113 %.
« Lorsque vous demandez aux électeurs de Milei s’ils craignent que ce dernier ne fasse exploser les systèmes argentins, ils vous répondent : laissez-les exploser », explique le directeur de l’institut de sondage Synopsis Consultores. Les élections auront lieu en octobre prochain.
