Brésil : Couleur café

Exportado do Brasil para os Brasileiros

 

Depuis quelques mois apparaît ce slogan sur les paquets de café en grains de la marque Lãon :

«  Exportado do Brasil para os Brasileiros »

Exporté du Brésil pour les Brésiliens !

Pendant des décennies, il était de notoriété publique que le meilleur café brésilien était exporté et que ne restait plus qu’à Rio de Janeiro ou Bélem que de la lavasse. Ce n’était pas faux. D’ailleurs, souvent en France, dans les rayons des supermarchés, je constatai que des marques brésiliennes (ou dites brésiliennes) étaient disponibles, hors de prix, alors qu’on ne les trouvait pas du tout dans les magasins du pays de Machado.

Au Brésil le café ou plutôt cafezinho (petit café, prononcer caféziniou) est partout et se consomme à toute heure. Il est disponible gratuitement dans toutes les administrations ouvertes au public, dans les banques, les cabinets médicaux etc. quand il est vendu son prix est de l’ordre de quelques centavos (50 centavos = 0,08 centime d’euro). Le Brésil est le pays du café. Essentiellement de l’arabica dans les régions de São Paulo et le long d’une bande qui va en gros de l’État de Bahia à la frontière uruguayenne. On trouve du robusta dans l’État de Espirito Santo (sud-est, Atlantique) et le long de la frontière bolivienne. Mais les stocks de robusta du Brésil sont au plus bas depuis 2017 pour cause de sécheresses répétées. À tel point qu’il fallut en 2018, en importer depuis le Vietnam, leader mondial de la variété robusta. L’industrie du café moulu et torréfié a dû changer de stratégie en modifiant la composition de ses mélanges. Alors que les torréfacteurs utilisaient en moyenne environ 50 % de robusta et 50 % d’arabica, la pénurie de robusta sur le marché interne les a conduits à passer à 80 % d’arabica dans leurs produits.

Chemin de fer menant le café de São Paulo au port de Santos (Harper’s Weekly, Vol. 12, nº 623, 1868).

Illustration de Francisco de Mello Palheta (1670-1750) sergent portugais à l’origine de l’arrivée du café au Brésil.

La production de café au Brésil représente environ un tiers de la production mondiale, ce qui fait du Brésil, le plus grand producteur du monde. Le Brésil est au premier rang des pays producteurs, devant le Viêt Nam et la Colombie. Les plantations de café couvrent environ 27 000 km², principalement dans les États du sud (Minas Gerais, São Paulo et Paraná) où l’environnement et le climat offrent des conditions de croissance idéales.

Premier producteur mondial 

Le café est arrivé au Brésil au XVIIIe siècle. Car ce n’est pas d’Amérique du Sud que vient le café, mais d’Afrique, principalement d’Éthiopie. Le Brésil est devenu le premier producteur dans les années 1840. L’apogée de la production brésilienne se situe dans les années 1920 quand le pays fournissait 80 % du café du monde.

Le premier caféier du Brésil a grandi près de Rio de Janeiro, dans un couvent franciscain, qui le présenta en 1774 au vice-roi Luís de Almeida Silva Mascarenhas qui faisait office de gouverneur. Mais on sait que la culture du café avait été introduite en 1723 en restant cantonnée dans la région amazonienne du Grão-Pará (Pará actuel avec pour capitale Bélem). En 1779, le Brésil exporte seulement 1,2 tonne puis 120 tonnes en 1806, niveau encore insignifiant. Puis du fait de la chute des exportations de sucre entre 1829 et 1847, on se tourna vers le café qui atteignit 83 % du total des exportations vers 1835-1840. Dès 1830, le café brésilien devance ses rivaux jamaïcains et cubains. C’est dans la région de Rio de Janeiro, dont le climat est très favorable que la culture du café s’est d’abord développée sur des surfaces moyennes (de 1000 à 3000 hectares). Après la Révolution haïtienne des années 1790, les importations d’esclaves augmentent dans les régions du Brésil qui produisent la même chose que Saint-Domingue, coton, café et sucre. La nette hausse des prix du café sur des marchés mondiaux, à la suite de la révolte des esclaves haïtiens, a permis au café de s’étendre un peu partout, notamment en Amazonie, à Bahia et le long du littoral atlantique. Les fazendas employaient des milliers d’esclaves jusqu’à l’abolition en 1888.

Le café a rapidement enrichir l’oligarchie rurale et les villes comme Guaratinguetá, Bananal et Pindamonhangaba. Le café pouvait être cultivé dans de plus petites fermes, sans nécessiter l’équipement industriel requis pour la canne à sucre. Les grandes plantations sont apparues au XIXe siècle puis dans la première partie du XXe, au profit des « barons du café ». Encore aujourd’hui la toponymie se référant au café est très fréquente. Certains noms de famille trouvent leur étymologie dans cette plante.

Anoblis, enrichis rapidement, ces barons du café sont de gros investisseurs, mais de piètres paysans, pratiquant la monoculture et le défrichage sauvage des forêts. Ils appauvrissent rapidement les sols. À moitié ruinés par plusieurs années de sécheresse, plusieurs préfèrent revendre leurs propriétés. L’engouement des pays occidentaux pour le café provoque un développement rapide des plantations caféières dans la région de Rio et l’organisation d’une économie originale où des fazendas assurent la culture, la cueillette, la torréfaction et l’expédition vers les ports du Havre, de Bordeaux (voir références et bibliographie à la fin de cet article).

Une main d’œuvre européenne

L’abolition (tardive) de l’esclavage va entraîner la décadence de la caféiculture dans la région de Rio de Janeiro. Mais cela se fera au profit de São Paulo grâce à la mise en place d’un nouveau système, le colonat. C’est une forme hybride mise au travail comportant à la fois des aspects de production paysanne salariée et de travail salarié. L’unité de base est la famille, mais seul son chef est rémunéré. Les parcelles d’environ 7000 hectares comptent approximativement 5000 plants. La main d’œuvre est souvent d’origine européenne. Les conditions de travail sont dures, les journées interminables et les salaires maigres. Aussi de grandes grèves paralysèrent fréquemment les récoltes notamment en 1913 et en 1930.

Dès le début du XXe siècle, le Brésil fournit 75 % de la production mondiale de café, dont la moitié par l’État de São Paulo. Ce sont les bonds de la production brésilienne dans les années 1890 et les années 1910 qui représenteront l’essentiel de la variation de l’offre mondiale et donc des prix. Les maisons de négoce suivent de très près toutes les informations sociales, économiques, mais aussi climatiques venant des régions brésiliennes productrices de café. Pendant longtemps les plus gros importateurs de café brésilien furent des négociants de Hambourg par l’intermédiaire de la banque privée française Neuflize-Schlumberger-Mallet (aujourd’hui elle fait partie d’un groupe financier hollandais).

Le café fait travailler de manière directe ou indirecte 8,5 millions de Brésiliens avec 300 000 producteurs de café. Les plantations de caféiers occupent plus de 2 millions d’hectares de terre dans le pays, dont 80% environ d’Arabica.

En 2020, le Brésil reste le premier producteur de café du monde. Il en est aussi le premier consommateur devant les États-Unis. Désormais, le pays est à la pointe de la technologie avec des fazendas de plus en plus développées. Les plantations brésiliennes de café ont le plus haut rendement au monde avec environ 12 à 35 sacs par hectare. Le sac de café de 60 kg étant la référence internationale. Son prix est fixé à la bourse. L’arabica est coté à la bourse de New York (Board of Trade) quant au cours du robusta il est négocié à Londres. Actuellement, il s’échange sur le marché mondial plus de 120 millions de sacs de café soit 78,2 millions de tonnes de café vert ! ce dernier perd 35 à 40 % de son poids lors de sa torréfaction.

Il y a, pour le café, plusieurs variétés botaniques. Typica, Bourbon, Caturra et Maragogype pour l’arabica. Une seul pour le robusta, la variété Conillon. Il existe plusieurs méthodes de traitement pour le café du Brésil : sec, humide, semi-humide, en fonction des lieux d’exploitation.

Ce n’est plus Rio de Janeiro le plus gros producteur de café brésilien, mais l’État de Minas Gerais qui compte quatre centres de production : Sul de Minas, Cerrado, Minas Chapada, Minas Gerais Mountains. Ce qui représente en tout 1 042 310 hectares (selon le site Maxicofee).

Il existe une école française du café certifiée SCA qui délivre trois niveaux de formations. La SCA France est la section française créée en 2005 de la Specialty Coffee Association qui agit pour améliorer constamment la qualité du café à chaque étape de la filière afin d’atteindre l’excellence, de la plante à la tasse.

 

 

Bibliographie succincte :

 

Histoire du café, par Frederic Mauro, aux éditions Desjonquières, 2014.

Le café, culture exemplaire du Brésil, Pernette Grandjean et  Jean-Christian Tulet, Persée, 2000.

The Atlantic Slave Trade, par Herbert S. Klein, Cambridge University Press, 2015.

Brésil, le pays du café, par Bruno Guinard, français installé au Brésil depuis plus de 20 ans, 2015.