D’une pandémie, l’autre
Le Brésil fait face à sa première année (depuis plus d’un siècle) sans carnaval
Normalement, tous les danseurs répètent leur chorégraphie en ce moment, au mois de novembre. Il en est de même pour les musiciens, les pyrographes et artificiers, les techniciens, les concepteurs de chars…
Les écoles de samba de Rio de Janeiro enregistreraient la musique des défilés et auraient des milliers de costumes fabuleusement spectaculaires récemment cousus à essayer, prêts à briller devant tout le Brésil au moment le plus attendu de l’année : le carnaval !
Mais le coronavirus est tombé comme une bombe nucléaire sur la fête la plus emblématique et internationale du pays. La manifestation la plus lucrative aussi. La suppression du carnaval 2021 pour cause de pandémie, ce sont des milliers d’emplois directs ou indirects en jeu. Des pertes sèches en milliers (voire en millions) de dollars pour les écoles de samba, mais aussi tous les centres et associations culturels.
Pour la troisième fois dans l’histoire et pour la première fois depuis plus d’un siècle, le carnaval officiel est suspendu. Si la science découvre un vaccin dans les prochains mois, peut-être aura-t-il lieu en juillet ou août (l’hiver à Rio !).
Les écoles de samba de Rio de Janeiro ont unanimement accepté de reporter l’événement, tout comme celles de Salvador de Bahia ou São Paulo. Et les groupes de rue, qui peuvent rassembler jusqu’à un million de personnes, se sont officiellement déclarés forfait il y a quelques jours.
Mais on parle déjà de plusieurs animations plus ou moins clandestines : « Le Carnaval n’a jamais eu besoin d’autorisation. Si ça va être, ça le sera, quoi qu’en disent les intellectuels ou la presse. Parce que c’est une force populaire. Les gens descendent dans la rue quand ils veulent », explique Milton Cunha, de l’Observatoire du Carnaval de l’Université fédérale de Rio de Janeiro dans les colonnes du journal El Paìs. On verra… En attendant, un vent de tristesse et de sidération souffle sur les artistes. La fête n’a été reportée que deux fois dans l’Histoire du carnaval.
De la fièvre jaune au coronavirus…
Ce n’est donc qu’à deux reprises que la fête a été reportée. La première, en 1892, due à une épidémie de… fièvre jaune ! Les autorités avaient décrété le report au mois de juin. Et en 1912, il fut retardé de deux mois en signe de deuil lors de la mort du baron de Rio Branco, père de la diplomatie brésilienne. Il négocia plusieurs litiges frontaliers entre le Brésil et quelques-uns de ses voisins, dont la Guyane française et consolida les frontières du Brésil moderne. Il décéda au moment où allait commencer le carnaval. C’est en son honneur qu’a été instaurée la première minute de silence de l’Histoire, par le sénat portugais. Elle dura dix minutes, le 12 février 1912.
Le dernier carnaval de l’ère pré-coronavirus a battu des records. Près d’un quart du pays et des milliers d’étrangers y ont participé. Pour attirer les touristes, à Rio de Janeiro, le maire avait décrété 50 jours de célébrations. Pourtant on avait déjà largement entendu parler d’une certaine ville chinoise : Wuhan ! On savait également que le virus circulait rapidement en Europe. Le premier cas en Amérique latine a été détecté, précisément au Brésil, le mercredi des Cendres…