Le lithium est un métal alcalin mou et argenté qui est largement utilisé dans les batteries rechargeables, les médicaments psychiatriques et d’autres applications industrielles. Très réactif, le lithium n’existe pas à l’état natif dans le milieu naturel, mais uniquement sous la forme de composés ioniques. On l’extrait de roches de type pegmatite, ainsi que d’argiles et de saumures. En Amérique du Sud et notamment en Argentine, les peuples autochtones payent un lourd tribut à son extraction…

Le plus grand gisement mondial est le Salar d’Uyuni, dans le département de Potosí, dans le sud-ouest de la Bolivie. Mais le plus gros producteur est l’Argentine qui détient également la deuxième réserve mondiale la plus importante. Au total, l’Amérique du Sud concentre près de 59 % des réserves mondiales de lithium.

Le lithium est souvent utilisé dans les électrodes de batterie du fait de son grand potentiel électrochimique. Les batteries lithium sont très utilisées dans le domaine des systèmes embarqués du fait de leur grande densité énergétique aussi bien massique que volumique. En 2020, c’est le premier usage du lithium à l’échelle mondiale : 71 %. Autrement dit, pas de lithium pas de téléphones, de tablettes, d’ordinateurs portables… ni de voitures électriques ! La demande de lithium a rapidement augmenté, la consommation annuelle du marché mondial ayant progressé de 8,9 % par an. Cette demande ne fera que s’intensifier avec la généralisation des véhicules hybrides et électriques, des systèmes de stockage d’énergie et de l’électronique portable. 

Le Triangle de l’or blanc

Dans le Triangle de l’or blanc de l’Argentine, les protections des terres indigènes ont été supprimées et les manifestations contre l’exploitation minière ont été violemment réprimées. Le Triangle du lithium sur les territoires andins d’Argentine, de Bolivie et du Chili est l’un des endroits les plus secs de la planète, ce qui complique le processus d’extraction du lithium : les mineurs doivent percer des trous dans les salines pour pomper la saumure salée, riche en minéraux, jusqu’à la surface. Ils laissent ensuite l’eau s’évaporer pendant des mois, formant un mélange de potassium, de manganèse, de borax et de sels de lithium, qui est ensuite filtré et abandonné à nouveau pour s’évaporer. Après 12 à 18 mois, le processus de filtrage est terminé et le carbonate de lithium peut être extrait.

À mesure que le monde tentera de répondre à la demande croissante de batteries de véhicules électriques et d’énergie propre, la course pour le contrôle de l’industrie du lithium pourrait contribuer à augmenter les conflits entre les grandes puissances. Dans un tel cas, l’importance stratégique du lithium et de cette région de l’Amérique du Sud, augmentera.
La Bolivie abrite le Salar d’Uyuni, la plus grande étendue de sel du monde, qui s’étend sur 4 000 milles carrés. Sous cette merveille naturelle se trouvent d’énormes gisements de lithium, qui représentent environ 50 % du total des gisements de la planète. 

En Argentine, sous les terres ancestrales des indigènes d’Atacamas se trouvent des réserves de lithium valant des milliards de dollars, qui attirent l’attention des sociétés minières depuis des années. L’une d’entre elles, une coentreprise canado-chilienne appelée Minera Exar, a conclu un accord avec six communautés indigènes, prévoyant des ventes de 250 millions de dollars par an. Minera Exar avait initialement prévu que chaque communauté recevrait un paiement annuel allant de 9 000 à 60 000 dollars, mais les témoignages des habitants locaux affirment que c’est loin d’être le cas. Luisa Jorge, résidente et dirigeante de Susques, a déclaré que « les entreprises de lithium prennent des millions de dollars sur nos terres… elles devraient donner quelque chose en retour. Mais elles ne le font pas. Les résidents locaux ne devraient pas avoir à se battre pour payer les systèmes d’égouts et les ressources adéquates alors que des entreprises lointaines profitent de leurs ressources naturelles ». L’Argentine détient les deuxièmes plus grands gisements de ce métal au monde et a prévu 38 projets miniers dans le nord du pays, dont trois sont déjà en cours d’exploitation. Ses exportations de lithium ont augmenté de 235 % en 2022, et le nouveau président du pays, Javier Milei, s’est engagé à développer le secteur. Dans cette perspective, des réformes constitutionnelles ont été adoptées en sans le consentement éclairé du public, y compris de l’importante population indigène, un droit (au consentement) inscrit dans la loi depuis 2000. Ces modifications interviennent dans un contexte de hausse de la demande mondiale de lithium.

The Guardian a recueilli les témoignages de 22 personnes, examiné des vidéos et interrogé des experts en droits de l’homme, des avocats et des journalistes locaux au sujet de la répression policière dans les semaines qui ont suivi les réformes, une menace qui, selon les militants, persiste encore aujourd’hui. De nombreux témoignages indiquent que la police provinciale a fait un usage aveugle de la force contre les manifestants et qu’elle a mené une campagne d’intimidation et de surveillance. Plusieurs personnes ont été battues, d’autres se seraient vus refuser des soins médicaux et d’autres encore ont affirmé que des fonctionnaires en civil avaient agressé des manifestants jusque dans les hôpitaux. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui disent être surveillés.

De nombreuses communautés indigènes ne détiennent pas de titres de propriété sur leurs terres, mais ont droit à leurs territoires ancestraux en vertu de la constitution argentine de 1994. Humahuaca, une ville poussiéreuse située dans une vallée à côté de vestiges de l’Empire inca, est l’un des domaines où des manifestations ont éclaté et ont été violemment réprimées il y a quelques semaines. Des vidéos prises avant l’intervention de la police montrent des familles avec des banderoles et des drapeaux argentins, sous le regard de policiers en tenue anti-émeute. « Les mères criaient. J’étais en sang. Une balle en caoutchouc a touché mon œil droit et j’ai eu l’impression d’avoir une aiguille plantée à l’arrière de la tête. J’ai su alors que j’étais aveugle », raconte Paredes à la journaliste du Guardian. Harriet Barber, reporter qui est allée enquêter à Jujuy, une province du nord-ouest de l’Argentine : « La première fois, ils sont venus à 2 heures du matin et sans mandat. Rosa était seule. Elle était bâillonnée, les yeux cachés et les mains attachées avec un serre-câble. “J’étais paralysée. J’ai senti que quelqu’un m’étranglait”, se souvient Rosa. “Ils m’ont traitée de socialiste, de pute. J’étais en sous-vêtements ; ils m’ont touchée. L’un d’eux a mis ses doigts à l’intérieur de moi” ».

En France, des chercheurs du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) affirment, dans un article paru sur le site The Conversation, que, grâce aux gisements de lithium dans le Massif central ou dans les saumures géothermales d’Alsace, le pays pourrait être autonome pour le lithium, le potentiel minier dépassant les 200 000 tonnes de lithium.

Sources : The Guardian, Harvard International Review, la carte montrant l’emplacement du Triangle du Lithium dans le plateau des Andes est issue d’une étude du CNRS