En Haïti, une flambée de violence sans précédent a fait plus de 150 morts en une semaine et a provoqué le déplacement de 20 000 personnes, selon les Nations Unies. Les gangs, qui contrôlent désormais 80 % de Port-au-Prince, imposent un climat de terreur en multipliant les meurtres, les enlèvements, les extorsions et les incendies criminels. 

 Des quartiers comme Solino et Pétion-Ville, autrefois des lieux de vie paisibles, sont devenus des champs de bataille. Dans Solino, le groupe armé Viv Ansanm, dirigé par Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », a récemment vidé la zone de ses habitants par des attaques meurtrières. Paradoxalement, il a ensuite distribué des fournitures scolaires aux enfants, un geste perçu comme une tentative cynique de gagner la légitimité populaire. À Pétion-Ville, des corps démembrés ont été retrouvés brûlés dans les rues, fruits d’un affrontement direct entre gangs et groupes de vigilance communautaire, connus sous le nom de Bwa Kale soutenus par la Police nationale haïtienne. Ces milices locales, face à l’inaction de l’État, ont lynché et tué au moins 32 membres présumés de gangs. Des résidents ont déclaré qu’ils n’avaient d’autre choix que de se défendre eux-mêmes : « Si nous ne protégeons pas nos quartiers, personne ne le fera. » 

 Un État absent, des ambitions criminelles   

 L’absence quasi-totale de l’État a permis aux gangs d’étendre leur emprise sur la capitale et les principales routes du pays. Barbecue, ancien policier devenu chef de gang, incarne cette montée en puissance. Il nourrit des ambitions politiques et menace de s’attaquer aux hôtels hébergeant des politiciens. Il exige également la démission du Conseil présidentiel de transition, organe chargé de diriger le pays depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. Sa rhétorique quasi-révolutionnaire inquiète davantage les observateurs. 

 Pendant ce temps, la récente nomination d’Alix Didier Fils-Aimé au poste de Premier ministre par le Conseil présidentiel n’a pas atténué les tensions. Au contraire, la paralysie économique et sociale s’aggrave, alors que l’aéroport de Port-au-Prince a été fermé après que des avions commerciaux américains ont été visés par des tirs. 

 Les violences ont forcé des milliers de familles à fuir leurs maisons. À Solino, des habitants comme Marie Dorléus témoignent avoir été chassés sous la menace de mort. Ceux qui se réfugient dans des campements improvisés affrontent des conditions insalubres, sans accès à l’eau, à la nourriture ou aux soins. Les femmes, les enfants et les personnes âgées sont les plus vulnérables. 

 La Chine et la Russie s’opposent à toute tentative de paix 

 Une force internationale de police composée d’officiers du Kenya, des Bahamas, de la Jamaïque et du Belize a été déployée pour rétablir l’ordre, mais son effectif actuel (400 agents) reste bien en deçà des 2 500 prévus. Les États-Unis ont tenté de transformer cette unité en une mission de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies, mais la Chine et la Russie s’y opposent, bloquant toute avancée. 

 Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, résume la situation : « Les quatre millions d’habitants de Port-au-Prince sont pratiquement pris en otage. » La population lutte pour survivre dans un climat d’insécurité extrême et de désespoir, tandis que les efforts du gouvernement et de la communauté internationale peinent à répondre à cette crise humanitaire et politique. 

Sources : El País, The Guardian, Haïti Libre