Le XIXe siècle aux États-Unis fut une période de transformations profondes, marquée par une industrialisation rapide, l’expansion vers l’Ouest et des changements sociaux considérables. Au milieu de ce contexte dynamique, l’appétit du public pour l’information, qu’elle soit sérieuse ou sensationnelle, a connu une croissance exponentielle. Les « faits divers » – ces nouvelles diverses, souvent singulières ou bizarres – ont joué un rôle significatif dans la captivation de l’imagination américaine, servant à la fois de divertissement et de reflet des anxiétés et des croyances de la société. Ces récits, diffusés par une culture de la presse en plein essor, offrent une perspective unique pour comprendre le mélange de progrès scientifique, de superstitions persistantes et d’un paysage médiatique en évolution à cette époque.

À l’été 1835, le New York Sun publia une série de six articles affirmant que le célèbre astronome Sir John Herschel avait découvert de la vie sur la Lune. Ces récits fantastiques décrivaient des hybrides humains-chauves-souris ailés, des licornes et d’autres créatures imaginaires. Bien que certains aient immédiatement reconnu la supercherie et que la plupart l’aient comprise avant la fin de la série, l’attrait de l’histoire était indéniable, se propageant à l’échelle mondiale.

Le journaliste américain Richard Adams Locke (1800-1871) décida de s’amuser aux dépens de ses lecteurs. Pour rendre son histoire plus crédible, il lui fallait une caution scientifique. Il décida alors d’attribuer la découverte de cette vie extraterrestre à l’astronome John Herschel, profitant de l’absence de ce dernier parti en Afrique du Sud pour cartographier le ciel austral à partir de l’observatoir du Cap de Bonne-Espérance. John Herschel était très connu. C’était le fils de William Herschel, l’astronome rendu immortel par la découverte d’Uranus en 1781. Au fil des articles, les lecteurs apprirent que la surface lunaire était couverte d’arbres et de lacs. Ils apprirent également que John Herschel utilisait de nouvelles lentilles sur son immense télescope pour voir des détails de plus en plus petits.

Le New York Sun était un journal très important. Il démontra comment un récit sensationnel, même invraisemblable, pouvait rapidement gagner du terrain. Cela suggère qu’à une époque sans normes journalistiques établies, la frontière entre l’information, l’opinion et la fiction était floue, et la valeur de divertissement l’emportait souvent sur l’exactitude factuelle. Le public, avide de nouveauté et d’émerveillement, était vraiment désireux d’être trompé, ce qui indique une réceptivité culturelle aux grands récits, surtout lorsqu’ils étaient présentés sous le vernis de la découverte scientifique, le nom de Sir John Herschel conférant une crédibilité apparente. Ce phénomène a préparé le terrain pour le sensationnalisme médiatique futur. La diffusion rapide du canular fut facilitée par le manque de lois strictes sur le droit d’auteur et la pratique des journaux de partager du contenu. Cela a créé un écosystème où les histoires sensationnelles pouvaient devenir virales , stimulant la circulation et influençant le discours public, même si le contenu était fabriqué. Ce canular, s’appuyant sur de nouvelles technologies comme le télescope, a contribué à reconfigurer la connaissance et à établir de nouvelles frontières pour la vérité discernable.

Aujourd’hui, remplacez télescope par IA et on s’aperçoit que, finalement rien n’a beaucoup changé. Sauf que nous ne sommes plus à l’ère des canulars sympathiques et vite éventés, mais à celle du complotisme, de la vérité alternative et surtout de la haine. Regardez ce qu’il se passe en ce moment avec le couple Macron.

Aujourd’hui, les vrais faussaires s’appellent Donald Trump, Vladimir Poutine, Candace Owens, mais aussi Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Manon Aubry ou Marine Tondelier, Sandrine Rousseau, Philippe de Villiers et Aymeric Caron. Et cette triste liste est très loin d’être exhaustive.