Venezuela

« Maduro est tellement irresponsable qu’il ne s’intéresse absolument pas au pays ou à sa souveraineté. Il ne s’intéresse qu’aux richesses qu’il peut piller »

Un général dissident (compagnon de Chávez) donne une interview explosive au journal colombien El Tiempo.

Cliver Alcalá : « Maduro a peur d’être assassiné par ses propres collaborateurs »

Dans une interview au quotidien colombien El Tiempo, le général chaviste dissident Clíver Alcalá dénonce le régime de Nicolás Maduro comme une organisation criminelle vouée au pillage du pays. Il fait état de très fortes tensions au sein de l’armée et du gouvernement. « Fait symptomatique, cette interview du général Alcalá a été aussitôt reproduite sur le site aporrea.org, principal portail militant bolivarien (et unique espace pluraliste subsistant au sein du chavisme), qui accueille les opinions radicalement divergentes de la base chaviste sur le régime de Maduro », note Marc Saint Upéry dans la revue Barril.info et sur son blog à Mediapart.

Clíver Alcalá analyse les tensions au sein de l’armée et du gouvernement, revient sur l’attentat du 4 août dernier contre le président et offre une cartographie des factions en lutte au cœur du pouvoir bolivarien. Pour ce militaire qui a toujours accompagné Hugo Chávez de la fondation de son mouvement politique clandestin au sein de l’armée en 1982 et jusqu’à sa mort en 2013, Nicolás Maduro « est un tyran » qui a de plus en plus de mal à conserver le pouvoir. « Il est encerclé par ses propres collaborateurs », affirme-t-il.

C. Alcalá affirme que les forces armées vivent le même malaise social généralisé et la même hostilité au régime de Maduro que le reste du pays, et que le président est lui-même tellement conscient de ce fait qu’il se méfie de l’institution militaire. Le président vénézuélien a tellement peur de se faire assassiner que les troupes et les officiers qui participent aux cérémonies auxquelles Maduro assiste portent des armes dépourvues de munitions. Même les généraux et les amiraux qui se réunissent avec le Président sont soumis à des contrôles humiliants.

« Maduro vit dans une méfiance totale. On sait que même le procureur qui a remplacé Luisa Ortega, Tarek William Saab, actuel Procureur général de la République, aspire à un poste d’ambassadeur, parce que plus personne ne veut apparaître à la tribune aux côtés de Maduro. Plus personne ne le respecte, lui et ses proches ». Tarek W. Saab a été désigné par l’Assemblée nationale constituante en août 2017 en remplacement de la rebelle Luisa Ortega. Cet ancien militant de gauche et de défense des droits humains, connu comme le « poète de la révolution », fut entre autres, sous Chavez ou Maduro député, gouverneur de l’État d’Anzoátegui et Defensor del Pueblo.

À propos de l’attentat manqué du 4 août, le militaire dissident ne sembla pas douter qu’il ait bien eu lieu. Toutefois pas forcément sous une forme organisée : « Je ne peux rien affirmer de certain sur les responsables du 4 août, mais le cancer qui ravage le Venezuela produit beaucoup de métastases, et le niveau de frustration est si grand qu’il peut engendrer des réactions individuelles désespérées de la part de nombreuses personnes et de nombreux groupes (…). Il est vraiment étrange et suspect que certaines personnes proches de Maduro n’aient pas été présentes à la tribune le jour de l’attentat (…) Diosdado Cabello, le puissant numéro deux du régime, qui accompagne normalement Maduro lors de tous ces événements publics, n’était pas à la tribune le 4 août. Je sais qu’il existe un confit de pouvoir entre eux, parce qu’ils sont tous les deux dans le collimateur de la justice au niveau international et qu’ils ont perdu des ressources qu’auparavant, il leur était facile de voler. C’est autour de cet argent qu’ils sont entrés en conflit ».

À la question de la journaliste Marisol Gómez d’El Tiempo, y a-t-il beaucoup de frictions entre Maduro et Diosdado Cabello ? Le général Alcalá répond : « Il y a des frictions entre toutes les factions du pouvoir. Cela fait plus de six mois que les ambassadeurs, les fonctionnaires des ambassades et les attachés militaires du pays ne sont pas payés. Vous ne pouvez pas exiger la loyauté de gens que vous traitez comme ça. On me dit que plus de 70 % des membres de l’Assemblée constituante sont insatisfaits parce que cette institution aura un an en octobre et qu’elle n’a rien fait. Il y a des divergences énormes entre eux ».

À propos d’une éventuelle chute du régime, le militaire l’envisage possible : « la chute du régime ? Dans une situation aussi précaire, oui. Ces derniers jours, le pouvoir d’achat, qui avait déjà fortement chuté, a encore baissé de 25 %. C’est pour combattre l’inflation (qui, d’après le FMI, atteindra 1 000 000 % cette année) que Maduro a fait enlever cinq zéros au bolivar, la monnaie nationale, mais cela ne résoudra rien Le prix de l’essence va augmenter, il y a des pannes de courant tous les jours dans de nombreuses villes, la criminalité est endémique et la pénurie de nourriture et de médicaments s’aggrave constamment ».

Et d’ajouter : « Maduro est tellement irresponsable qu’il ne s’intéresse absolument pas au pays ou à sa souveraineté. Il ne s’intéresse qu’aux richesses qu’il peut piller ».

Sources : El Tiempo     Aporrea    Barril.info

La situation est tellement confuse au sommet de l’État vénézuélien que des hauts responsables nient que plus de 2,5 millions de personnes ont quitté le pays, alors que son président Nicolás Maduro a ordonné la création d’un “pont aérien” pour garantir le retour des Vénézuéliens émigrés ! l’Équateur a convoqué à Quito une douzaine de pays latino-américains (à partir de ce lundi 03/09) pour essayer de trouver des solutions régionales aux problèmes posés par la migration forcée de centaines de milliers de Vénézuéliens. Cette réunion technique vient de débuter en l’absence du Venezuela. Cette absence n’est pas regrettée par tout le monde, note Eric Samson, correspondant de RFI à Quito. « Des fonctionnaires parlant en off pensent même qu’elle est positive. Pour eux, cela a permis d’éviter les débats idéologiques ne menant à rien. Les douze autres pays présents ont insisté sur la nécessité de préserver les droits des migrants et de leur assurer un accueil digne. Pour cela, la région a besoin de « coordonner ses propositions et ses actions face à la crise », a insisté le vice-ministre des Affaires étrangères équatorien, Andrés Terán ».

L’Union européenne va verser 35 millions d’euros d’aide humanitaire 

L’Union européenne vient d’annoncer le versement d’une aide de 35 millions d’€ destinée aux Vénézuéliens, très nombreux à fuir leur pays en pleine crise sanitaire, sociale et économique, mais ausssi aux pays d’Amérique latine qui accueillent ces exilés. Le financement se concentrera sur des activités axées sur “l’alimentation, l’eau, la santé, et le soutien des personnes les plus vulnérables”, a précisé la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini. “Nous sommes très inquiets pour la situation humanitaire dans le pays, mais aussi des conséquences que cela peut engendrer chez les pays voisins qui reçoivent des vagues de (migrants) Vénézuéliens sur leurs territoires”, a précisé Federica Mogherini. “Nous avons décidé d’intensifier notre engagement diplomatique aux côtés des pays de la région”, afin d’encourager un nouveau dialogue, a ajouté la responsable. Fuyant la pauvreté, l’hyperinflation, la faillite des services publics et les pénuries dans leur pays, des centaines de milliers de Vénézuéliens émigrent dans les Etats voisins comme le Brésil, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Chili, mettant cette région sous pression. Selon les Nations unies, sur les 2,3 millions de Vénézuéliens vivant à l’étranger pour une population totale de 30,6 millions de personnes, plus de 1,6 million sont partis depuis 2015. Quelque 90% d’entre eux se sont réfugiés dans les pays de la région.