L’Amazonie, ce n’est pas une légende !

Mayantu, Curupira, le dieu Tupã, Jurupari et l’enfant prodige

Ou comment est apparu le guarana…

 

L’Amazonie et ses légendes, quelle histoire !
Il faut dire que l’endroit s’y prête. Cette jungle mystérieuse, vue par beaucoup d’ignorants comme un enfer vert a depuis la nuit des temps été le berceau de fables, contes et légendes variées, changeantes au fil des époques et des eaux parfois tumultueuses du grand fleuve. Tous les personnages appartenant à la riche culture amazonienne n’ont rien à envier aux mythologies du reste du monde.

Mayantu

Jurupari (transformé en serpent)

Curupira

Mayantu, l’espiègle lutin (dans certaines régions, au Pérou notamment, il est un géant). Mayantu est une créature reptilienne ressemblant à un gobelin, avec un corps écailleux et le visage d’un crapaud. Il erre entre deux dimensions, physique et spirituelle, avec des capacités protéiformes lui permettant de se camoufler facilement, en imitant l’écorce d’un arbre ou en prenant l’aspect d’un jaguar ou d’un poisson. Il se déplace lentement, mais peut être féroce et dangereux.

Ceux qui l’ont croisé disent qu’il vit très haut dans la canopée de la forêt tropicale des arbres géants tels le kapok, mais la plupart des observations ont eu lieu dans des zones humides et des territoires irrigués par des ruisseaux qui se jettent dans de longs lacs peu profonds. Contrairement à de nombreux autres habitants mythiques de la jungle amazonienne, Mayantu n’est pas un mauvais esprit, et en fait, il est connu pour venir en aide aux humains lorsqu’ils sont en difficulté et ont besoin d’aide, tant que ces humains ne représentent ni menace ni danger pour la faune, bien entendu. En effet, Mayantu (Pérou, Bolivie, Colombie) appelé aussi Chullachaqui ou Curupira, plus spécifiquement au Brésil, est un anti-viandards notoire. S’il tolère que les Amérindiens pèchent et chassent pour se nourrir, il hait les étrangers, pour la plupart blancs, venus chasser dans la forêt par plaisir. Il peut prendre leur apparence. Et les égarer dans les profondeurs de la jungle. On a bien sûr essayé de l’attraper. Mais Curupira a la particularité d’avoir les pieds à l’envers. Très pratique pour semer le plus expert des pisteurs. Pour compléter ce portrait, sachez que Curupira a deux défauts très humains : il adore le tabac et l’alcool !

L’Amazonie c’est aussi, bien sûr, sa flore unique. Et ses baies innombrables, dont l’açaï ou le guarana. Ben tiens, justement le guarana, cette plante grimpante avec ce tout petit fruit rouge bourré de vitamines qui ressemble à un œil humain…

Il y a très longtemps, bien avant que Cortes eût la malheureuse idée de s’embarquer pour les Indes afin de tromper son ennui, dans les profondeurs de la jungle brésilienne, vivaient deux Amérindiens. Un homme et son épouse. Ils étaient le couple le plus heureux de la tribu Maués. Ils étaient respectés et aimés de tous. On leur était chaque jour grée de travailler sans cesse pour le bien-être de toute la communauté. Mais voilà, notre couple n’avait pas d’enfant. Tous les deux en souffraient beaucoup et elle comme lui traînait une profonde mélancolie au grand désespoir de leurs amis.

Le puissant dieu du tonnerre, Tupã, eut pitié d’eux. C’était un dieu légèrement caractériel, mais au grand cœur. Alors, il leur fit cadeau d’un fils. La naissance de l’enfant fut un bonheur immense. Et la prospérité s’accrut à l’aune du respect porté au couple désormais encore plus heureux. L’enfant grandit parmi les autres garçons de la tribu. Intelligent, fort, il devint rapidement un chasseur émérite. Et un des meilleurs connaisseurs en plantes médicinales. Mais il restait humble, aidant sa mère aux tâches ménagères et son père à pêcher et cultiver l’abattis. Durant son temps libre, il arpentait la forêt et sut mieux que personne donner des noms aux plantes et aux animaux. Il se racontait même qu’il parlait aux singes et qu’il chantait avec les oiseaux. On le surprit un jour faisant danser des serpents !

Il était bon. D’aucuns le pensèrent naïf et pour tout dire imprudent, ne se méfiant pas des mauvais esprits de la forêt. On eut dit, selon certains de ses amis, qu’ils niaient leur existence. Dont celle de Jurupari ? Sans doute.

Jurupari est l’esprit mauvais et menaçant au cœur de la forêt. L’alter ego maléfique de Curupira.

Et la réputation de l’adolescent arriva aux oreilles de ce démon. Et cela le rendit furieux. Jurupari ne pouvait supporter un tel rival. Lui seul, normalement, pouvait régner à la fois sur les animaux et les plantes. Lui seul devait avoir le pouvoir de les charmer. Il réclamait vengeance. Et celle-ci finit par germer dans son esprit mauvais.

Alors, un jour, l’adolescent vénéré par sa tribu partit seul en forêt. Jusque là rien de plus normal. Personne ne s’en inquiéta. On le savait aguerri aux pièges de la jungle. Voulant récolter des fruits pour sa mère, il s’éloigna un peu plus qu’à l’accoutumée. Les animaux veillaient sur lui de toute façon, n’est-ce pas ?

Il tomba sur l’arbre sempervirent recherché. L’un des plus grands dont les fruits sont aussi gros que deux poings réunis. On l’appelle aujourd’hui l’arbre à pain parce que pour le déguster on le découpe en tranches épaisses que l’on fait cuire au charbon de bois. À point, son intérieur est semblable à de la mie de pain frais.

Le garçon grimpa à l’arbre pour cueillir les fruits les plus beaux. Jurupari vit sa chance et il se transforma en un clin d’œil en un serpent d’apparence inoffensive. L’adolescent ne s’inquiéta pas. Mais le serpent le mordit à la cheville, injectant son venin mortel. Entièrement paralysé, l’adolescent ne put se retenir aux branches et chuta brutalement.

Le fruit de l’arbre à pain

Guarana

Au crépuscule, ne voyant pas leur fils revenir, les parents s’inquiétèrent et les hommes de la tribu organisèrent une battue durant presque toute la nuit. Ils finirent malheureusement par découvrir le corps du garçon sous l’arbre géant.

D’abord, on ne put le croire. Le garçon connaissait tout à propos des serpents de la jungle. Mais, après avoir échangé et discuté pendant un moment, un aîné comprit que Jurupari était dans le coup.

On pleura beaucoup la mort du garçon prodige.

Le grand dieu Tupã, profondément attristé, fit connaître sa colère par d’effrayants grondements jour et nuit. Pas un nuage dans le ciel. Pas une goutte de pluie sur la terre. Et pourtant des coups de tonnerre de plus en plus forts. Tous les membres de toutes les tribus commençaient à s’affoler. Impossible de fermer l’œil la nuit et de vaquer à ses occupations le jour, tant les grondements étaient assourdissants.

La mère du défunt garçon comprit le message de Tupã : le dieu malheureux voulait aider la tribu à venger l’adolescent que toutes et tous avaient aimé. Elle communiqua avec lui. Le dieu du tonnerre se tut et il envoya un message. Il voulait soulager les habitants de la forêt de leur immense tristesse et de la sienne aussi. Alors, il demanda à la mère éplorée de mettre en terre les yeux de son fils merveilleux, comme on plante des graines.

Les semaines puis les mois passèrent. Tupã ne se manifestait plus. Les villageois crurent que le dieu colérique les avait abandonnés, du moins oubliés. Puis, par une radieuse matinée, une très belle plante avait poussé là où la mère avait planté les yeux de son fils. La plante ne tarda pas à donner des petits fruits.

Des baies ressemblant aux yeux du regretté garçon.

Ainsi naquit le guarana. En langue Tupi : l’arbre de vie.

Depuis, dans certains villages le long du grand fleuve, il n’est pas rare de croiser un Amérindien mastiquant ce fruit. On le fait aussi sécher avant de le réduire en poudre, dont on tire une boisson énergisante plus forte que le café. Dans la tribu du garçon à l’origine de cette histoire, on sait que les hommes vivent jusqu’à plus de 110 ans et que les femmes enfantent bien au-delà de leurs 50 ans…

Mais c’est un secret et gare aux colères du dieu Tupã si d’aventure il était dévoilé !