Brésil : Les Amérindiens ont eux aussi combattu les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale
Ils ont rejoint un bataillon qui a capturé le drapeau de l’armée hitlérienne lorsque 20 000 Allemands se sont rendus aux troupes alliées en 1945
L’histoire des Indiens brésiliens qui ont aidé les Alliés à vaincre les puissances de l’Axe est encore peu connue, mais elle commence à être étudiée. Les autochtones brésiliens, dont des Guaranis et des Terenas faisaient partie de la FEB (force expéditionnaire brésilienne), répartie dans différentes divisions. Le Brésil a déclaré la guerre à Hitler en 1942, après que 35 navires brésiliens ont été attaqués au large des côtes brésiliennes (32 ont coulé), faisant des centaines de morts. Les soldats brésiliens débarquèrent en l’Italie en 1944. Ils participèrent activement à la libération de ce pays tout en assurant des missions d’ingénierie et de désamorçage de mines.
La FEB avait été créée spécialement pour affronter le nazisme dans le conflit mondial. En Italie, elles ont participé à des batailles historiques, comme celles de Monte Castello et Castelnuovo. Après la défaite d’Hitler, la FEB a été dissoute par le gouvernement brésilien de Getúlio Vargas. En effet, pendant la dictature de l’Estado Novo, l’une des raisons de la fermeture de la FEB était la crainte que les soldats préparés qui se battaient pour la démocratie et la liberté puissent se révolter.
« La FEB va combattre un régime totalitaire et ici, à cette époque, c’était totalitaire », explique Helton Costa, chercheur en histoire de l’UFPR (Université fédérale du Paraná). Selon lui, la FEB était aussi diversifiée que le pays lui-même. Il y avait des Noirs, des Indigènes et même des communistes, comme le gaucho Carlos Scliar, par exemple.
En plus d’être communiste, Scliar était peintre et croquait les paysages du conflit sur son bloc de papier durant son rôle de caporal au centre de tir, où il analysait des cartes pour calculer la distance et la direction des tirs.
Plusieurs Amérindiens faisaient partie du Neuvième Bataillon du Génie, qui a même capturé un drapeau nazi lors de la reddition du 148e d’Infanterie de l’armée allemande en avril 1945. Environ 20 000 soldats allemands se sont rendus aux Brésiliens. Le drapeau est conservé et exposé au Musée Maréchal José Machado Lopes, à Aquidauana, à 118 km de Campo Grande. La plupart des peuples autochtones identifiés par les chercheurs sont originaires du Mato Grosso do Sul.
Dans le village d’Ipegue, à Aquidauana, il est possible de trouver la tombe d’Irineu Mamede, un indigène Terena qui était un soldat du premier régiment d’infanterie, il participa à la prise de Monte Castello, une colline escarpée de 977 mètres. En cet hiver enneigé de 1945, la domination du site était essentielle pour arrêter les troupes hitlériennes en Italie.
Ces Brésiliens, dont les Amérindiens qui n’avaient connu que le climat chaud et humide, se retrouvèrent à se battre dans la neige (inconnue pour la plus grande partie d’entre eux) par moins quinze degrés à travers la campagne italienne !
Passionné par cette histoire, celle des peuples indigènes de la FEB, le journaliste Geraldo Ferreira a localisé la tombe de Mamede, décédé en 1996. L’endroit est décoré du symbole FEB : un serpent fumant. Ferreira a également rencontré Aurélio Jorge, qui lui a accordé une interview en langue Terena, en 2000. L’indigène est décédé quatre ans plus tard. « Ma femme est une Indienne Terena, j’ai appris sa langue maternelle », a précisé le reporter. « Mamede a été très ému à l’évocation de ses souvenirs. Il a mis son béret et m’a montré ses médailles » se souvient le journaliste auprès de Folha de São Paulo.
Un autre soldat amérindien, qui avait a appris quelques mots d’italien a expliqué, toujours à Ferreira, que les Brésiliens étaient traités en héros par les Italiens libérés de la domination nazie et fasciste. Au combat, cependant, les soldats utilisaient une des langues indigènes. Vucapanavo ! était le cri de guerre des Terenas. Le terme signifie quelque chose comme « en avant ! »
Traumatismes et discriminations
Avant de partir pour la bataille, les Terenas exécutaient le rituel du «chamanisme», c’est-à-dire qu’ils invoquaient «le chaman», le protecteur, le guide qui prédit où se trouve l’ennemi et protège ses invocateurs. Tous les Terenas qui sont allés en Italie sont revenus avec des séquelles plus ou moins importantes dues principalement aux conditions désastreuses qu’ils rencontrèrent mais aussi aux discriminations auxquelles ils devaient faire face au sein de leurs propres détachements.
Un autre indigène, Otacílio Teixeira, a été doublement été discriminé, selon le journaliste. C’était parce qu’il était le fils d’un homme noir et d’une Amérindienne. Mort en 2019, il fait partie des innombrables vétérans de la guerre qui ont subi des séquelles psychologiques et des traumatismes. « Quand il est revenu, comme beaucoup, il ne voulait plus aller en ville, il ne voulait plus de contact », explique Geraldo Ferreira. Le soldat José Quevedo, décédé en 2016, avait également de mauvais souvenirs des combats. « Après son retour, il lui a fallu plus de 20 ans pour se résoudre à acheter un fusil pour chasser le cochon sauvage ! », rapporte Ferreira. Quevedo n’aimait pas non plus les feux d’artifice, à cause du bruit qui ressemblait à des coups de feu.
Les vétérans, outre le traumatisme de la guerre, ont été les témoins désolés des années qui ont suivi l’extinction de la FEB, lorsqu’ils ont été considérés avec méfiance par le gouvernement lui-même. Ils ont également été victimes de discrimination en raison de la condition autochtone ou noire.
Selon l’historien Helton Costa, un lieutenant de la FEB a rapporté qu’un général a même ordonné à des soldats à la peau sombre, de défiler dans les colonnes internes, tandis que les blancs défileraient sur les côtés, bien visibles du public, lors des parades et défilés. Dans un autre épisode, le commandement de la FEB aurait demandé une garde d’honneur sans Amérindiens ni Noirs pour accueillir le prince Humberto d’Italie. Ces faits sont en partie rapportés dans un ouvrage « Témoignage des officiers de réserve sur la FEB », publié en 1949. Toutefois, il y a au moins un cas enregistré d’un indigène qui a atteint le grade de deuxième sergent et a donc commandé d’autres soldats : Venceslau Ribeiro, du neuvième bataillon du génie. Il existe de nombreuses photographies de Ribeiro en Italie.
« Il a atteint le rang le plus élevé parmi les peuples autochtones, c’était quelqu’un qui dirigeait des soldats, pour la plupart blancs. On voit dans son dossier qu’il est apprécié par les troupes », explique H. Costa.
Les infirmières brésiliennes ont également payé un lourd tribut pour la libération de l’Europe
Plusieurs d’entre elles ne sont jamais revenues au Brésil. Bertha de Moraes Nerici a témoigné des atrocités de la guerre en Italie. Décédée en 2005, à l’âge de 85 ans, elle était l’une des 67 infirmières volontaires brésiliennes qui avaient rejoint le service de santé de la FEB (Força Expedicionária Brasileira). Six autres infirmières ont travaillé avec l’armée de l’air. Elles se souvenaient en particulier des violents bombardements nazis sur des villes comme Florence ou Pise. « Parfois, je rêvais et dans le rêve, je voyais une corde à linge, mais au lieu de vêtements, je voyais ces morceaux de jambes, de bras et d’autres restes humains », confia un jour Bertha.
Elle s’embarqua le 4 août 1944, à destination de Naples, avec le 2e groupe, et est rentrée au Brésil le 3 octobre 1945, sur le James Parker Ship, avec le dernier groupe de survivants. Sur le front, elle a servi dans les hôpitaux nord-américains à Florence, Cecina et Pise notamment. Après la fin de la guerre, Bertha a été promue au grade de 1er lieutenant, puis promue au grade de capitaine.
Photo de droite : Bertha de Moraes Nerici
Sites sur les soldats Amérindiens et les infirmières dans la Deuxième guerre mondiale :
Un blog, ICI (Plus spécifiquement sur les Terenas et Venceslau Ribeiro)
Bertha Moraes Nérici, Wikipédia et aussi LÀ (sur les infirmière brésilienne en Italie, plus généralement, c’est ICI)