Les cités perdues d’Amérique latine

Le Dieu Singe se rebiffe au Honduras

 

On le sait maintenant, la Cité du Dieu singe et la Cité blanche (Ciudad blanca) sont une seule et même entité archéologique. Une cité perdue dans la jungle tropicale. Plus exactement au Honduras. Xucutaco en nahuatl ou Hueytapalan ou en langue maya.

C’est dans la forêt de la Mosquitia aux confins du Nicaragua qu’elle a été mise à jour. Des documents conservés aux Archives nationales montrent qu’en 1969 la zone avait été localisée et même déclarée par décret « parc archéologique national ». Avec le soutien du gouvernement, une équipe de la National Geographic Society a divulgué la découverte des vestiges d’une cité légendaire dans la région de la Mosquitia. Les chercheurs assurent qu’il s’agit de la fameuse Cité blanche où l’on vénérait le dieu-singe, et que pilleurs et archéologues recherchaient depuis des années. L’histoire est fabuleuse, mais elle est suivie par une forte controverse scientifique et diplomatique.

Une vue aérienne de la jungle hondurienne de la Mosquitia aux confins du Nicaragua 

Les autorités de l’Institut hondurien d’anthropologie et d’histoire (IHAH) connaissaient depuis longtemps ces vestiges enfouis dans les tréfonds de cette jungle. L’historien et chercheur canadien Éric Schwimmer possède une série de documents, conservés aux Archives nationales, dont un article du journal hondurien El Día daté du 24 mai 1969, intitulé « La Cité blanche découverte dans la jungle de la Mosquitia ». L’article relate comment la ville sacrée du Dieu-singe a été localisée, et confirme les chroniques précolombiennes qui l’évoquaient. « Dans la région nord-ouest de la Mosquitia, dans le département de Gracias a Dios, quatre Honduriens portés par la légende, l’Histoire, la magie et la science ont découvert sans nul doute possible la Cité blanche », écrit alors El Día. Le site s’étend sur une superficie de 83 000 kilomètres carrés et est un des seuls endroits au monde encore inconnu de l’homme. La cité du Dieu singe aurait abrité une civilisation découverte par les conquistadors espagnols au et dont les écrits d’Hernán Cortés témoignent dans ses lettres pour le roi Charles-Quint. Cette cité est source de convoitises pour les explorateurs et de légendes pour le peuple hondurien.

Une équipe d’archéologues américains et honduriens a permis de localiser ce site archéologique jamais exploré auparavant. Les premières photos ont été publiées le mois dernier seulement.

Des archéologues ont étudié et cartographié des places, terrassements, monticules ainsi qu’une pyramide appartenant à une culture ayant prospéré il y a un millier d’années avant de disparaître. Selon le site internet de la National Geographic Society, l’équipe scientifique est retournée sur le site et a découvert des sculptures en pierre demeurées intactes.

Légendes et malédictions

 

Au Honduras, la cité perdue du Dieu singe est connue par ses habitants, mais surtout sous forme de récits et légendes sur leurs ancêtres. La plupart de ces histoires parlent de malédictions à quiconque s’aventurera dans cette cité abandonnée par les dieux. On raconte que durant la période de la conquête espagnole, cette cité aurait subi de graves catastrophes les unes après les autres. Ses habitants auraient été obligés de fuir en abandonnant tous leurs biens. Sans retour possible. Car, la mort attend celles et ceux qui reviendraient à la Ciudad blanca. Mais il est beaucoup plus probable que, comme dans d’autres régions d’Amériques latine, ses habitants victimes de maladies microbiennes apportées par les Européens aient été décimés. Les survivants auraient tout simplement fui dans la forêt. Ces maladies étaient mortelles pour les Amérindiens et ils voyaient que les Blancs n’étaient pas touchés. Ils en déduisirent qu’ils étaient maudits par les dieux.

De nombreux récits sur des explorateurs affirmant avoir découvert la Cité blanche ont été écrits, l’un des premiers fut donc Hernán Cortés en 1526. Dans sa cinquième lettre pour le roi Charles-Quint il décrit une cité incroyable plus riche que Mexico et d’une taille équivalente située quelque part dans les montagnes de la Mosquitia, cette histoire est à l’origine du mythe de la cité blanche : « J’ai en effet des renseignements sur de grandes et riches contrées, gouvernées par de puissants seigneurs, avec grand état de cour et notamment le royaume de Eneitalapan, en autre langue, Xucutaco, dont on m’a parlé depuis six ans (…). D’après ce que l’on en dit, et quand on en retrancherait la moitié, ce royaume dépasserait celui de Mexico en richesse et l’égalerait pour la grandeur de ses villes, la multitude de ses habitants et l’ordre qui la gouverne ».

Or et argent

Cortés y précise également qu’il aurait entendu parler de Xucutaco dès les premiers temps de son arrivée dans l’empire Aztèque, en 1519. En 1544, l’évêque du Honduras, un nommé Cristobal de Pedraza, prit la tête d’une expédition pour trouver la fameuse cité.

Dans une lettre adressée à Charles Quint, il décrivit son voyage à travers la jungle de la côte des Mosquitos. Il y prétendait avoir vu une grande ville située dans une vallée. Selon ses guides, les nobles de cette cité mangeraient dans des assiettes d’or et fréquentaient des temples majestueux.

La ville tenait sa richesse de l’or, mais aussi de l’argent exploité dans de nombreuses mines. D’immenses statues en pierre blanche ornaient les larges avenues et d’autres couvertes d’or. 

Théodore Morde

En 1940, l’américain Theodore Morde affirma avoir retrouvé la cité, sculptures à l’appui. Malheureusement il meurt sans en révéler sa position exacte.Morde était un aventurier explorateur ayant de nombreuses cordes à son arc : diplomate, espion, journaliste et producteur feuilletons radio-télévisés. Il avait commencé sa carrière comme animateur radio avant de se lancer dans le journalisme. Il monta une expédition au Honduras à la recherche de la Cité du Dieu singe. Après cinq mois, il affirma avoir trouvé la ville. Pour le prouver, il s’engageait à ramener des milliers d’objets aux États-Unis. Mais il ne révéla jamais l’emplacement précis de sa découverte. T. Morde a passé les dernières années de sa vie en tant que diplomate, puis producteur de films d’actualité. Il s’est suicidé en 1954. En 2013, Christopher S. Stewart a écrit un livre sur Morde et sa quête de la légendaire cité perdue que certains ont assimilée à la Ciudad Blanca.

Une expédition au laser

En 2015, l’écrivain américain Douglas Preston a participé à une mission d’exploration au Honduras, à la recherche de la cité. Il en a tiré un récit romanesque. Pour la localiser, les archéologues ont utilisé les grands moyens.

La jungle a été passée au Lidar (pour light detection and ranging) : un laser qui fonctionne comme un radar pour cartographier les sols et détecter les structures, explique le Washington Post

Une zone de 20 à 30 kilomètres de périmètre interpelle les chercheurs : des formes carrées et rectangulaires, laissant penser à des ruines, dorment sous la canopée. Pour en avoir le cœur net, il faut se rendre sur place, emprunter les sentiers des trafiquants de drogue, pour se frayer un chemin à travers la jungle. C’est un ancien soldat des forces spéciales britanniques (SAS), accompagné de soldats honduriens, qui ouvre la voie. « Chaque pas a été gagné à coups de machettes, relate Douglas Preston dans son livre. Nos lames étaient équipées de bandes fluorescentes pour éviter un coup du voisin. Mais même avec ça, certains ne sont pas passés loin. Un parcours du combattant au milieu d’une faune hostile : jaguars, serpents venimeux, mais aussi moustiques, mouches et autres parasites ». C’est uniquement par hélicoptère et à pieds qu’il est possible d’accéder aux ruines.

Au bout de trois jours de marche, c’est par hasard que la cité se révèle aux explorateurs, raconte Douglas Preston : « Un membre de l’équipe trébuche sur un tas de pierres. L’une d’elles a la forme d’une tête d’homme-jaguar. Un cri s’est élevé dans la jungle et tout le monde s’est précipité. Les objets ont pris forme dans le crépuscule de la forêt : des vases, des trônes ornés de têtes de divinités mi-animales, mi-humaines. Tous ces objets étaient presque entièrement enterrés, avec leurs seuls sommets visibles, comme des icebergs de pierre (…) Je me souviens du moment où j’ai vu cette tête de jaguar sortir du sol, luisante de pluie. C’est comme si elle grondait, luttant pour échapper à la terre ».

Des objets vieux de plus de mille ans et la peste blanche

Les expéditions se sont enchaînées avec toujours plus de moyens modernes. Les deux dernières ont été conjointement supervisées par l’université du Colorado, l’université du Honduras et l’Institut hondurien d’anthropologie et d’histoire (IHAH), avec à sa tête l’archéologue et anthropologue américain Christopher Fisher. Cinquante-deux pièces archéologiques ont été découvertes. Parmi ces objets figure la sculpture d’une tête de jaguar, probablement la réincarnation d’un chaman. Selon un membre de l’équipe de chercheurs, ces objets dateraient de plus d’un millier d’années.

Deux membres de l’expédition de 2015 (National Geografic Society)

Les archéologues ont cartographié de grandes places, des terrassements, des monticules et des pyramides de terre appartenant à une culture qui a prospéré il y a mille ans, avant de disparaître. L’équipe a également découvert une sorte de cache où reposaient des sculptures en pierre, que personne n’avait touchées depuis l’abandon de la cité.

Le mystère de la Cité du Dieu singe est-il pour autant résolu ? Christopher Fisher, reste prudent. Il se contente de parler de cité perdue, préférant insister sur l’incroyable état de conservation des sculptures et sur leur intérêt historique.

Mais cette découverte ne fait pas l’unanimité surtout du côté des scientifiques du Honduras. En effet, dès 2015, dans une lettre ouverte en anglais, des spécialistes honduriens ont dénoncé la médiatisation de cette expédition : selon eux, les trésors archéologiques de cette zone étaient connus. « Ils ont été tenus secrets pour les préserver, et parce que les gens qui les ont découverts ne veulent pas attirer les touristes, affirme l’historien Dario Euraque. La seule ‘nouveauté’ de cette expédition, c’est que [ses membres] veulent mettre ce qu’ils ont trouvé dans un musée ». Au passage, ils relèvent de nombreuses erreurs dans les articles publiés dans la presse américaine.

Après l’expédition, l’anthropologue américaine Rosemary Joyce, spécialiste du Honduras, rappellera que d’autres sites ont été découverts et étudiés dans la même région bien avant les observations de Christopher Fischer.

La cité découverte est répartie sur deux emplacements appelés T1 et T3. Leurs coordonnées GPS restent pour l’instant un secret d’État pour éviter tout pillage, car les fouilles n’ont jamais vraiment commencé, faute de moyens. Nous ne disposons que des clichés publiés dans le Washington Post et par la National Geographic Society.

Quant à la mystérieuse maladie qui aurait condamné à mort  les habitants de la Cité du Dieu singe ce serait la peste blanche. Transmise par la piqûre d’une sorte de moustique, le phlébotome, cette affection provoque des lésions cutanées invalidantes voire mortelles si elles ne sont pas soignées. Elle a pu faire des ravages il y a 1000 ans.

 

 

Mexique: Cortés quelle histoire ! (sur ce site)

Une effigie de « jaguar-garou », susceptible de représenter un mélange d’humain et d’esprit animal, fait partie d’un siège cérémoniel (ou metate) encore sous terre. C’est un des nombreux objets découverts dans une cachette en ruines enfouie dans la jungle hondurienne.
NATIONAL GEOGRAPHIC SOCIETY