L’État brésilien voisin de la Guyane française toujours sujet à d’énormes pannes d’électricité

Corruption et incompétence pointées du doigt

Un sénateur en appelle à la justice

 

Alors que la population de Macapá tente de se remettre d’une séquence de coupures de courant qui a débuté le 3 novembre et qui n’est pas totalement réglée, la Cour fédérale d’Amapá a décidé d’agir. Le juge João Bosco da Costa, de la deuxième Cour de justice, a ordonné la révocation du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’énergie électrique (Aneel), chargée de réglementer le secteur de l’électricité dans l’État, et du gestionnaire du réseau électrique national (ONS), responsable de la gestion du secteur. Selon le magistrat, l’enquête visant à élucider les causes du black-out ne sera pas efficace si les administrateurs restent en fonction. La décision a été prise à la demande du sénateur Randolfe Rodrigues (REDE-AP). « Je n’ai jamais vu les gens souffrir autant qu’en ce moment », a déclaré le sénateur à EL PAÍS depuis chez lui à Macapá.

Les pertes pour les commerces, les petites entreprises et les particuliers sont immenses. Beaucoup de gens ont tout perdu. Des tentatives de remises en fonction du courant ont fait sauter la plupart des congélateurs, réfrigérateurs, télévisions, ventilateurs, climatiseurs, etc. Sans parler des pertes liées aux contenus alimentaires des congélateurs ! Et tout cela en pleine pandémie ! Impossible de retirer de l’argent liquide, impossible de communiquer, d’énormes difficultés pour se nourrir et se soigner avec en plus la pénurie d’eau potable ! Les difficultés ne sont pas d’aujourd’hui, notamment avec la pandémie de coronavirus. Mais les effets du black-out qui a laissé 13 des 16 municipalités d’Amapá dans l’obscurité pendant six jours consécutifs à partir du 3 novembre — et qui s’est répété aux mêmes endroits du 17 au 19 novembre — Le premier tour des élections municipales, le 15 novembre, a dû être reporté à certains endroits, comme dans la capitale Macapá. Il y a, pour reprendre les mots du sénateur Randolfe Rodrigues, « un black-out des responsabilités » depuis au moins cinq ans. Rodrigues voit une négligence de la part des autorités publiques qui n’ont pas entretenu la sous-station qui a flambé ni les transformateurs qui ont explosé. « Le PDG d’Aneel [agence de l’électricité et de l’énergie] est un type cynique. Il parle comme s’il n’avait rien à voir avec ça. Lui et tout le conseil d’administration d’Aneel sont à blâmer. Tout le monde savait ce qui allait arriver ». Pour le sénateur, le gouvernement Jair Bolsonaro et le ministère des Mines et de l’Énergie ont trop tardé à intervenir, d’ailleurs souvent en vain. Rodrigues a également exigé le retrait immédiat de la concession de transport et de distribution d’énergie en Amapá, qui est aujourd’hui entre les mains de la Macapá Transmissora de Energia Lines (LMTE). Le président du Sénat, Davi Alcolumbre (DEM-AP), défend également la mise en accusation, bien qu’il ait déclaré dans un premier temps que le black-out était une fatalité. LMTE a été créée par la société espagnole Isolux après avoir remporté en 2015, aux enchères, la concession de la distribution et du transport d’énergie dans l’État. En difficulté financière, la société espagnole a cédé le contrôle de LMTE en septembre 2019 à Gemini Energy, société contrôlée par les fonds Starboard Asset (80 %) et Perfin (20 %), dédiée à la gestion des investissements en difficultés financières, comme le précise le portail Intercept Brasil. À la fin de l’année dernière, l’un des trois transformateurs les plus importants sur le plan stratégique, puisqu’il était chargé d’assurer la relève en cas de pépin, avait définitivement cessé de fonctionner ! Jamais il n’a été réparé…

L’Amapá est séparé du Pará et érigé en territoire en 1943. Il devient un État pour des raisons essentiellement politiciennes en 1988.

Macapá est la capitale de l’État de l’Amapá, au Brésil, sur la rive gauche de l’estuaire de l’Amazone, sur la ligne de l’équateur. 510 000 habitants.

Les rapports d’inspection montrent que la LMTE accumule les problèmes depuis des années dans les lieux où elle opère. Au Pará, par exemple, l’entreprise a été condamnée à une amende de 500 000 R$ en octobre 2019 pour « l’exploitation et l’entretien des installations électriques de manière inadéquate ».

L’État d’Amapá est situé dans l’extrême nord du pays, sur le sol fertile de la jungle amazonienne, « où tout ce que vous plantez, vous le récoltez », mais beaucoup de gens ont faim. La capitale, Macapá, a été construite sur les rives de l’embouchure de l’Amazone, mais le manque d’eau est une réalité dans la vie quotidienne des gens. On estime que l’assainissement de base n’atteint que 9 % des ménages. Le reste dépend essentiellement des puits artésiens et des systèmes de pompage électrique, qui cessent de fonctionner en l’absence de courant. Il faut se souvenir que cet État a été créé de toute pièce pour servir de point de chute à José Sarney, ancien président de la République et pilleur de son État natal, le Maranhão. D’ailleurs il a souvent été question de retirer à ce territoire la gestion pour la placer sous le contrôle direct de Brasília tant la corruption y est importante. Des villes comme Macapá ou Oiapoque (à la frontière avec la Guyane française) sont parmi les villes du Brésil les plus corrompues !