En silence, mais ça pourrait bien changer, l’Église catholique brésilienne fait face à une vague de suicides

Le corps du père José de Souza Carvalho, 61 ans, a été retrouvé dans un lac près d’une autoroute, dans le centre de l’État de Minas Gerais. Curé de la municipalité d’Itaguara, il était porté disparu depuis huit jours. L’évêque du diocèse, Dom Miguel Angelo Ribeiro, a déclaré qu’il attendait « des précisions sur les circonstances de sa mort de la part des autorités policières ». C’était il y a un mois. L’un des collègues de Carvalho, le père Jorge Luiz Gray Gomes, canoniste du diocèse de Governador Valadares, a pleuré la mort et protesté dans un texte non explicite, mais révélateur. « Sera-t-il un de plus ? Le diocèse ne sera-t-il pas responsable une fois de plus ? » a-t-il demandé.

En silence, mais ça pourrait bien changer, l’Église catholique brésilienne fait face à une vague de suicides. L’aspect le plus dramatique du problème est le nombre de suicides : 35 cas ont été signalés entre août 2016 et août 2023. Ces chiffres ont été compilés par le prêtre et chercheur Lício Vale, spécialisé dans la prévention du suicide à l’Université fédérale de Santa Catarina et membre de l’Association brésilienne pour l’étude et la prévention du suicide.  

Les chiffres pourraient toutefois être beaucoup plus élevés, car les cas ne sont pas tous signalés. En effet, la presse a eu connaissance ces derniers jours de quatre suicides supplémentaires qui n’avaient pas été signalés comme tels.

Ce phénomène a inquiété la Conférence nationale des évêques brésiliens (CNBB), qui a débattu de la question, en dehors de l’ordre du jour officiel, lors d’une séance privée tenue en avril à l’occasion de son assemblée générale à Aparecida, à l’intérieur de l’État de São Paulo. La CNBB a décidé de former deux équipes d’étude pour analyser la question.

Cette tendance n’ayant été identifiée que récemment, explique le chercheur L. Vale, l’Église catholique n’avait pas encore de politique spécifique en matière de santé mentale des prêtres. La CNBB a alors commencé à faire appel à des experts pour discuter de la question avec les évêques et les prêtres dans tout le pays et pour élaborer des études en vue de la mise en œuvre d’un programme de soutien psychologique. Il a expliqué que la CNBB mettait en place des programmes « d’accueil, d’écoute et de traitement des prêtres ayant des idées suicidaires ».

De nombreux cas font toujours l’objet d’enquêtes

À Surubim, dans l’État de Pernambouc, le père Geraldo de Oliveira, 77 ans, de la paroisse de São Sebastião, a été retrouvé mort le 2 février.

Son décès a suscité l’émoi dans la ville. Prêtre de paroisse à la retraite, Oliveira était très actif dans le domaine social. Fidèle au Père Cícero et créateur de la messe des pèlerins de la ville, il a réussi à construire 98 maisons pour des familles nécessiteuses de la région agreste de Pernambuco. Il a également mené des campagnes de dons de paniers alimentaires, de vêtements et de matelas.

Moins d’un mois plus tard, le 10 mars, dans la zone rurale de la ville de Miradouro, dans la région Zona da Mata du Minas Gerais, le corps du père Douglas Ferreira Leite, 35 ans, a également été retrouvé près d’un ruisseau sur la BR-116. Le père Leite travaillait dans la paroisse de Santa Bárbara. Selon la police civile, la cause de la mort est un suicide.

Plusieurs cas font toujours l’objet d’une enquête. À Guaíra, dans l’ouest du Paraná, le prêtre de 63 ans, curé de l’église Nossa Senhora Aparecida, a été retrouvé mort le 22 novembre dernier. La police locale pense qu’il s’agit d’un suicide.

Au moins cinq autres cas semblables se sont enchaînés ces dernières semaines. Rien que ces trois dernières années une vingtaine de suicides ont officiellement été déclarés après des investigations policières.

Le psychologue Willian Cesar Castilho Pereira, conseiller de la CNBB et du Conseil épiscopal latino-américain (Celam), auteur du livre Souffrance psychique des prêtres, a rappelé, lors d’un entretien avec des religieux, que l’Église catholique traitait très mal le suicide en considérant l’acte comme « une chose démoniaque ».

Toutefois les choses évoluent, à l’invitation de la CNBB, M. Pereira a participé à une enquête, avec des médecins, des psychologues, des théologiens, des biblistes et des médecins bioéthiciens, afin d’évaluer la santé physique et mentale des prêtres dans tout le pays et de trouver des solutions à cette situation. L’Église catholique a également organisé des conférences et des réunions pour sensibiliser les évêques et les prêtres à ce problème et s’est efforcée d’accueillir les religieux dans le besoin au sein de leurs congrégations ou dans des cliniques et des instituts. L’Église catholique met également en œuvre, dans ses différents ministères, une expérience appelée Pastoral da Escuta (ministère de l’écoute), menée par le père Lício Vale.

 

Sources : The Intercept Brasil, Conferência Nacional dos Bispos do Brasil (CNBB).