Au Brésil, il y a un coin d’Amazonie où on parle japonais et ou lance de nouvelles techniques agricoles
Les Japonais ont commencé à arriver au Brésil en 1908 et se sont concentrés à São Paulo.
C’est alors que le gouverneur du Pará, Dionísio Bentes, a envisagé d’attirer dans son État des Japonais intéressés par le développement de l’agriculture locale. Il a proposé aux Nippons une parcelle de 600 000 hectares en plein cœur de la forêt amazonienne, à Tomé-Açu et quatre autres parcelles plus petites dans les municipalités de Monte Alegre et Marabá, situées à des centaines de kilomètres, dans d’autres parties de l’État. Les 43 premières familles ont quitté le port de Kobe, dans le centre du Japon, pour le Pará le 24 juillet 1929.
Le voyage jusqu’à Tomé-Açu a duré près de deux mois et a nécessité des transferts à Rio de Janeiro et à Belém. Le voyage entre la capitale du Pará et la destination finale, qui dure aujourd’hui un peu plus de trois heures sur des routes goudronnées, prenait à l’époque 12 heures et s’effectuait entièrement par voie fluviale.
Comme les Hmongs en Guyane française (dans les années 1970), les Japonais sont devenus de gros producteurs de légumes alors que les Brésiliens n’en mangeaient pas beaucoup à l’époque. Mais ces nouveaux cultivateurs réussirent à conquérir un marché intéressant.
Tomé-Açu sur la carte, en Amazonie brésilienne. Stade Le Mie Nishi, à São Paulo, inauguré en 1958 pour commémorer le cinquantième anniversaire de l’immigration japonaise au Brésil.
En fait, la ville de Tomé-Açu a été fondée en 1929 comme colonie privée japonaise afin d’exploiter un espace de l’Amazonie. Au départ, les familles japonaises s’y sont installées se sont rapidement adaptées au milieu local. Après une agriculture de subsistance (riz et haricots), la communauté s’est spécialisée dans la culture et le commerce de courgettes, du piment, des tomates et des aubergines.
Tensions durant la Deuxième guerre mondiale
La coexistence amicale dans les villes et villages entre les Asiatiques et les Brésiliens a subi un coup dur pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque le Brésil a déclaré la guerre aux pays de l’Axe (Japon, Italie et Allemagne) et a imposé des contrôles sur les immigrants en provenance de ces trois pays.
À Tomé-Açu, les Japonais sont alors étroitement surveillés par les autorités.
Si la police trouvait trois Japonais en train de parler, ils étaient arrêtés et placés en garde à vue, voire enfermés plusieurs semaines. Avec la fin de la guerre, les restrictions ont été levées.
Les Japonais du Brésil se sont remis au travail. Les goûts alimentaires et les premières campagnes pour bien manger décuplèrent la demande en légumes frais. Les Nippons s’enrichirent et développèrent leurs fermes.
Cette richesse a attiré à Tomé-Açu d’autres migrants. Aujourd’hui, rien qu’à Tomé-Açu, on évalue les locuteurs japonais à plus de 70 000 personnes. Il y a environ deux millions de Japonais au Brésil. Beaucoup ont fait des études universitaires et travaillent en milieu urbain. Liberdade, un quartier de São Paulo est la plus grande communauté japonaise au monde, hors du Japon. Quant à ceux qui sont restés agriculteurs, ils se sont diversifiés, passant du cacao au thé, du café et des légumes aux vers à soie. Ils se sont bien intégrés, beaucoup ont même abandonné le bouddhisme pour devenir catholiques, même si aujourd’hui il y a une tendance au retour aux traditions nipponnes dans plusieurs communautés.
Le système agroforestier. Une boutique japonaise à São Paulo juste avant la seconde guerre mondiale.
Il existe des liens très forts entre le Japon et le Brésil dictés par l’évolution économique des deux pays. Dans les années 1980, le Japon qui manquait de travailleurs encouragea fortement le retour au pays de cette communauté, en leur octroyant des visas. En 1990, on donna le droit à la citoyenneté japonaise à ceux qui étaient restés au Brésil.
On trouve actuellement au Japon 270 000 Japonais ayant des ancêtres qui ont vécu au Brésil, ils constituent la plus grande communauté parlant le portugais dans toute l’Asie.
L’agroforesterie
Dans les années 1970, une épidémie a décimé les plantations des familles japonaises qui avaient formé, dans cette partie de l’Amazonie, la troisième plus grande colonie japonaise au Brésil.
C’est alors que le directeur de la coopérative agricole locale prêche un changement radical : au lieu de cultiver une seule espèce, ils devraient refléter la diversité de la forêt amazonienne.
Les familles japonaises ont commencé à tester cette méthode de production à plus grande échelle et de manière standardisée.
Dans les champs de piments dévastés par la fusariose, ils ont planté de grands arbres et divers arbres fruitiers, en expérimentant différentes combinaisons.
Depuis lors, les champs ouverts et dégradés de leurs fermes sont redevenus des forêts.
Des animaux qui avaient disparu, comme les paresseux, les renards et les pacas, sont réapparus. Et la communauté, qui dépendait auparavant d’un seul produit, dispose désormais de plusieurs sources de revenus.
Ce faisant, le groupe est également devenu un exemple pour les chercheurs et les agriculteurs de différents pays qui cherchent des alternatives aux méthodes agricoles conventionnelles et qui cherchent des moyens de générer des revenus sans détruire l’Amazonie.
Pour les chercheurs à l’Embrapa Amazônia Oriental, l’agroforesterie gérée par les familles nippo-brésiliennes de Tomé-Açu est l’expérience économique la plus importante et la plus réussie de ce type au Brésil.
Famille d’exploitants agricoles japonais dans les années 1910. Tous les étés, la municipalité de Tomé-Açu organise le festival du Japon. Reconnu dans le monde entier grâce au système agroforestier Tomé-Açu (SAFTA), Tomé-Açu bénéficie d’une indication géographique d’origine pour son cacao caractéristique. Les fruits sont cultivés selon le SAFTA, un modèle unique d’agriculture durable en Amazonie développé par la communauté nippo-brésilienne.
Sources : Presse locale & archives personnelles