Bolsonaro, ses ministres et toute son Administration font désormais officiellement l’objet de plusieurs enquêtes

Le Tribunal suprême fédéral (STF — Cour suprême) a ordonné l’ouverture (30/1) d’une enquête à l’encontre de plusieurs responsables du gouvernement de Jair Bolsonaro. Cela concerne le drame des indigènes Yanomami. Les enquêtes seront menées par le bureau du procureur général (PGR), le bureau du procureur militaire, le ministère de la Justice et de la sécurité publique et la police fédérale.

L’enquête a débuté après une demande formulée par Flávio Dino, actuel ministre de la Justice et de la Sécurité publique, qui avec d’autres s’est rendu sur place en Amazonie.

Selon l’ordre du tribunal, les investigations portent sur « la participation éventuelle de fonctionnaires du gouvernement de Jair Bolsonaro à la pratique, en théorie, des crimes de génocide, de désobéissance, de violation du secret judiciaire et d’infractions environnementales liées à la vie, à la santé et à la sécurité de diverses communautés indigènes ».

Dans l’ordonnance, Luís Roberto Barroso, vice-président du Tribunal supérieur en charge de la procédure, cite en exemple la publication par le ministre de la Justice de l’époque, Anderson Torres, au Journal officiel de l’Union, de la date et de l’heure d’une opération secrète contre l’exploitation minière illégale en territoire yanomami. C’était comme si informer directement les orpailleurs. D’ailleurs, l’opération dite « secrète » fut un échec.

Pour le ministre de la Cour suprême, les faits « illustrent une situation très grave et préoccupante, ainsi que la pratique présumée de multiples actes illicites, avec la participation de hauts fonctionnaires fédéraux ».

L’enquête élargit les investigations entamées par la police fédérale, qui a annoncé la semaine dernière une enquête pour déterminer s’il y a eu crime de génocide et/ou non-assistance à personnes en danger.

Deux autres dénonciations sont en cours d’évaluation préliminaire à la Cour pénale internationale, située à La Haye, aux Pays-Bas. Dans ces documents, l’Association des peuples indigènes du Brésil (Apib) et la Commission Arns affirment que l’ancien président a commis des crimes de génocide pendant la pandémie de covid-19 et dans la manière dont il a géré la protection (ou plutôt la non-protection) des populations indigènes au cours des quatre dernières années.

Depuis les États-Unis où il est en cavale, Bolsonaro n’a pas répondu aux questions par écrit. Il aurait seulement dit, sur une application de messagerie, que la plainte concernant la crise des Yanomami était une « farce de la gauche »…

Quels sont les arguments qui soutiennent des accusations aussi graves ? Y a-t-il eu génocide ?

Des juristes interrogés par des journalistes de BBC News Brazil affirment qu’il existe suffisamment d’éléments pour ouvrir une enquête, mais qu’il est nécessaire de trouver des preuves et des témoignages pour procéder à d’éventuels procès à l’avenir.

Selon la Cour pénale internationale, le génocide se caractérise par « l’intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tuant ses membres par divers moyens, en leur infligeant des atteintes graves à leur intégrité physique ou mentale, en imposant délibérément à ce groupe des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, en imposant des mesures destinées à entraver les naissances ou en transférant de force des enfants d’un groupe à un autre ».

La juriste Sylvia Steiner, seule Brésilienne à avoir été juge au tribunal de La Haye entre 2003 et 2012, explique à la BBC que « le génocide n’est pas n’importe quel meurtre ».

« Il doit y avoir une intention de détruire un groupe en raison de sa nationalité, de son ethnie, de sa race ou de sa religion », résume-t-il. L’expert souligne également qu’il existe une différence entre le génocide et les crimes contre l’humanité : « Les crimes contre l’humanité sont ceux commis dans le cadre d’une politique d’un État ou d’une organisation qui s’attaque à la population civile. Elles comprennent le meurtre, la violence sexuelle, la déportation forcée, la persécution, l’extermination, l’esclavage… ».

Encourager l’exploitation minière

Le rapport Yanomami Under Attack, publié en avril 2022 par la Hutukara Associação Yanomami et l’Associação Wanasseduume Ye’kwana, avec le conseil technique de l’Instituto Socioambiental, fait le point sur l’extraction illégale d’or et d’autres minéraux dans cette région, qui comprend la plus grande réserve indigène du pays.

« On sait que le problème de l’exploitation minière illégale n’est pas nouveau. Toutefois, son ampleur et son intensité ont connu une croissance impressionnante au cours des cinq dernières années. Les données indiquent qu’à partir de 2016, la courbe de destruction des garimpeiros (orpailleurs) a pris une trajectoire ascendante et, depuis, accumule des taux de plus en plus élevés. De 2016 à 2020, l’exploitation minière a connu une croissance de pas moins de 3 350 % », souligne le texte.

Au cours de ses quatre années de présidence, Bolsonaro a parlé à plusieurs reprises de l’exploitation minière sur les terres indigènes. Le gouvernement a même proposé un projet de loi afin de légitimer cette pratique.

Les procureurs affirment que le détournement de vermifuges (qui traitent les infestations de vers) a empêché le traitement adéquat de 10 000 des 13 000 enfants vivant dans cette région.

Que les crimes commis par l’administration Bolsonaro soient qualifiés de génocide ou de crimes contre l’humanité n’a finalement qu’une importance relative. L’essentiel, est que Jair Bolsonaro et ses anciens ministres tout comme les hauts fonctionnaires qui ont dirigé le pays depuis 2017, rendent des comptes.